Legs de Mme Pierre Frondaie en faveur de la Ville d’Arcachon

Legs de Mme P. Frondaie en faveur de la Ville d’Arcachon.

Madame Pierre Frondaie, aujourd’hui décédée, avait à plusieurs reprises manifesté son désir de donner à la Ville d’Arcachon l’ensemble des papiers et la bibliothèque de son époux, l’écrivain Pierre Frondaie, dont une rue de la ville porte le nom.

Très âgée et de santé fragile, elle n’a pas eu le temps de son vivant d’effectuer toutes les démarches administratives que nécessitait ce don, mais ses héritiers ont tenu à respecter sa volonté et ont permis sa réalisation. Le Conseil Municipal va devoir dire lors de sa prochaine réunion qui se tiendra à la mi-décembre si la ville l’accepte ou pas.

Pierre Frondaie.

Pierre Frondaie est né à Paris en 1884 et s’est fait connaître avant la première guerre mondiale en adaptant pour le théâtre de grands auteurs comme Pierre Louÿs, Claude Farrère, Maurice Barrès ou encore Anatole France. Après la guerre, il se tourne vers le roman et son plus célèbre, L’Homme à l’Hispano, écrit en partie à Arcachon allait être le premier d’une longue série dont plusieurs titres feront l’objet d’une adaptation cinématographique.

Pierre Frondaie, personnage haut en couleur, était une figure parisienne de la belle époque et des années folles. On l’avait déjà vu à Arcachon avant la guerre. A partir de 1924, il prenait en location à l’année la villa Les Sablines en Ville d’Hiver et il devenait un hôte régulier de notre ville. Il ne résiliera cette location qu’en 1945 seulement.

Pierre Frondaie aimait beaucoup les femmes, surtout les jolies, et il en fit une grosse consommation hors et dans le mariage. Il se maria pour la première fois à 30 ans dans les premiers mois de la guerre avec Jeanne Gillier à la beauté androgyne et qui s’était fait sinon un nom au moins un prénom sur les scènes de théâtre de Paris où elle était connue sous le pseudonyme de Michelle. Liane de Pougy en était très jalouse, elle l’avoue dans ses Cahiers bleus en oubliant de préciser qu’au même moment elle était la maîtresse de son mari. Après la guerre, l’épouse finit par se lasser des infidélités de celui-ci et se rapprocha d’un capitaine d’aviation, Paul Bléry en mission à Cazaux. En 1922, elle divorça d’avec Pierre Frondaie pour pouvoir l’épouser, ce qu’elle fit à Arcachon même. En 1944, après le débarquement allié en Provence, Paul Bléry sera fusillé (ou assassiné, c’est selon, tant à cette époque la Résistance avait la gâchette facile).

Pierre Frondaie de son côté n’attendra que quatre mois, moins un jour, après son divorce pour épouser non pas une jolie mais une magnifique fille de vingt ans : Madeleine Charnaux. D’abord sculpteur, élève de Bourdelle, elle se consacrera ensuite à l’aviation où elle battra plusieurs records. On pouvait la croiser à Arcachon, tôt le matin, hiératique tout de blanc vêtu parcourant la plage à cheval. Le mariage ne tiendra que cinq ans. Madeleine Charnaux épousera en secondes noces le sulfureux Jean Fontenoy, communiste passé au P.P.F., ex-rédacteur en chef du Journal de Shangaï, auteur de plusieurs romans dont L’École du renégat et Cloud ou le communiste à la page. Il partit en Finlande comme correspondant de guerre après l’invasion de ce pays par l’U.R.S.S. Il revint en France alors que son épouse y mourait lentement de la tuberculose et il édita La Vie Nationale que Doriot supprima rapidement. Il fonda alors une Agence française d’information de presse à la botte de l’agence allemande DNB. Puis il partit sur le front de l’Est sous la bannière de la L.V.F. en octobre 1941. Il est mort de mort violente à Berlin en avril ou mai 1945 sans que l’on connaisse les circonstances exactes de cette mort. A-t-il été tué dans un bombardement, a-t-il été assassiné ou bien s’est-il suicidé ?

Après son deuxième divorce, Pierre Frondaie avait épousé la belle Jeanne Loviton, mais là encore le mariage ne tiendra pas. Chacun repartira de son côté et Jeanne Loviton, devenue Jean Voilier en littérature, atteindra la célébrité comme égérie de Paul Valéry. On lui prête aussi des liaisons avec Maurice Garçon, Jean Giraudoux ou Saint John Perse.

Une chose est sûre, à la fin 1945 elle attendait que son nouvel ami du moment, Robert Denoël, divorce pour l’épouser. Un soir à Paris, elle se rendit au théâtre avec lui. Le lendemain matin, on le retrouvait assassiné dans son appartement et dans la semaine qui suivait, elle devenait la nouvelle mais contestée propriétaire des Editions Denoël. Le meurtre ne sera jamais élucidé.

Enfin, en décembre 1937, Pierre Frondaie épousait une jeune corse, Maria Favella avec laquelle il vivait déjà depuis plusieurs années. Maria Favella sera donc sa quatrième et dernière épouse. Elle éprouvait un profond et sincère sentiment pour ce mari célèbre plus âgé qu’elle de vingt trois ans et auquel elle vouait une admiration sans borne.

Ni avec elle, ni d’ailleurs avec les trois premières, Pierre Frondaie n’aura d’enfant. Cette nouvelle liaison semble toutefois avoir été plus calme et permettra à Pierre Frondaie de mourir dans son lit contrairement à ses remplaçants dans les mariages précédents qui sont tous morts de mort violente, comme frappés par quelque mauvais sort.

Il est mort en 1948 à Vaucresson près de Paris où il s’était retiré.

Devenue veuve, Maria Frondaie restera fidèle au souvenir de son mari pendant plus d’un demi-siècle sans jamais se remarier.

La vie de Pierre Frondaie est sans nul doute possible le meilleur de ses romans, il reste encore à l’écrire et c’est ce que permettra l’ensemble des documents proposé à Arcachon et qui comprend une grande partie de la correspondance échangée avec ses différentes épouses.

Histoire d’un legs.

En septembre 1999, le catalogue d’un libraire parisien proposait à la vente plusieurs ouvrages qui à l’évidence, compte tenu de leur qualité, ne pouvaient provenir que d’un héritier ou d’un ayant-droit de Pierre Frondaie. Ce catalogue tombait sous les yeux d’un administrateur d’alors de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon, Jean-Pierre Ardoin Saint Amand qui se portait acquéreur des pièces les plus intéressantes.

Poussé par la curiosité, il essayait d’entrer en contact avec le ou les vendeurs de ces ouvrages par l’intermédiaire du libraire, comme c’est la tradition dans ce milieu. Curieusement, ce ou ces vendeurs refusèrent obstinément toutes relations.

Il faudra à notre chercheur plus d’un an de démarches en tout sens pour parvenir enfin jusqu’à Madame Maria Frondaie qui vivait recluse dans un petit village au-dessus de Nice.

Une première rencontre eut lieu en janvier 2001 au cours de laquelle Madame Frondaie rapporta mille et une anecdotes sur son mari et fit part de sa préoccupation de voir son souvenir entretenu.

Pour cela, elle avait été approchée deux ans auparavant par un professeur de droit qui lui avait proposé d’écrire une biographie de Pierre Frondaie. Ayant capté sa confiance, il fit un tri dans les papiers et la bibliothèque de l’écrivain et emporta ce qu’il jugea le plus intéressant. Ne trouvant pas d’éditeur prêt à lui consentir une avance, il demanda à Maria Frondaie l’autorisation de mettre en vente les pièces les plus remarquables finissant même par lui réclamer une aide financière pour l’aider dans ses recherches.

Ce professeur avait rencontré la foi en 1995 et avait choisi, lors de son baptême tardif, Julien Green comme parrain. Un parrain, alors âgé de 95 ans, qui n’a malheureusement pas pu assurer longtemps l’éducation religieuse de son filleul…

Il ne fut pas difficile à Jean-Pierre Ardoin Saint Amand de persuader Maria Frondaie qu’Arcachon, plus qu’un particulier, ferait un bien meilleur conservateur du souvenir de son mari.

Maria Frondaie demanda au professeur de lui rendre les papiers restants ce que celui-ci fit non sans les accompagner d’un chèque de 85 000 francs, inattendu, représentant la part qui avait été vendue et en particulier un portrait de Liane de Pougy par Boldini que la grande courtisane avait dû offrir à l’écrivain du temps où elle était sa maîtresse.

Un tableau qui aurait été vendu à Drouot sans que l’on connaisse ni le jour ni l’heure de la vente…

Peu de temps après, Madame Frondaie tombait brusquement malade et faisait un long séjour à l’hôpital sans jamais retrouver véritablement la santé.

Elle s’éteignait le 11 juin 2002 et était inhumée à Vaucresson, auprès de son cher mari, après une cérémonie religieuse à laquelle n’assistait en tout et pour tout que Monsieur et Madame Ardoin Saint Amand.

La ville d’Arcachon avait fait envoyer une somptueuse gerbe.

En contrepartie du legs ainsi consenti et qui comprend aussi plusieurs tableaux, dont quatre représentants Pierre Frondaie ou sa femme, de nombreuses photos dédicacées et quelques cires perdues signées de Pierre Frondaie, son épouse ne demande à Arcachon que l’engagement de maintenir le souvenir de l’écrivain.

Reste à la ville à déterminer dans quel cadre il lui sera possible de satisfaire au mieux cette exigence. Le moins qu’elle puisse faire est de garantir le libre accès aux chercheurs des éléments ainsi recueillis. Pourquoi pas, par exemple, dans une bibliothèque de recherches qui fait défaut dans le sud Bassin ?

De toutes façons, ce legs ne pouvait pas mieux tomber à un moment où Arcachon décide de privilégier avant tout sa politique culturelle.

Œuvres de Pierre Frondaie.

Poésies :

1907 – Les Pierres de Lune. Les Bijoux de la morte. Quelques cailloux, Librairie Paul Ollendorff
1916 – Le prélude aux poèmes du Coq
1918 – La Nuit sur le Rhin

Théâtre :

1907 – Rose Flamberge, Librairie Paul Ollendorff.
1911 – Montmartre, Librairie Charpentier et Fasquelle. Eugène Fasquelle, éditeur.
1911 – La Femme et le Pantin (En collaboration avec Pierre Louÿs), Librairie des Annales
1913 – Blanche Câline, La Petite Illustration.
1913 – L’Homme qui assassina, Librairie Paul Ollendorff. (d’après le roman de Claude Farrère)
1914 – Aphrodite, Fontemoing & Cie. (d’après le roman de Pierre Louÿs)
1915 – Colette Baudoche, Emile-Paul Frères, éditeurs (d’après le roman de Maurice Barrès)
1916 – Le crime de Sylvestre Bonnard, Les Annales, (d’après le roman d’Anatole France)
1920 – La Maison Cernée, Librairie Théâtrale
1921 – L’Appassionata, Librairie Théâtrale Artistique et Littéraire
1921 – La Bataille, Librairie Théâtrale. (d’après le roman de Claude Farrère)
1922 – Le Reflet, La Petite Illustration.
1923 – L’Insoumise, Librairie Théâtrale.**
1923 – La Marche du destin
1924 – La Gardienne
1926 – La Menace, Librairie Théâtrale.**
1927 – Les Amants de Paris
1928 – l’Homme à l’Hispano
xxxx – Le Fils de don Quichotte

Romans :

1907 – Les Fatidiques, Edition du « Monde Illustré ».
1909 – Tu seras roi, Librairie des Annales.
1911 – Contes Réels et Fantaisistes, Edition du « Monde Illustré ».
1925 – L’Homme à l’Hispano, Editions Emile-Paul Frères.*
1926 – L’Eau du Nil, Editions Emile-Paul Frères.**
1928 – Deux fois vingt ans, Plon.*
1929 – La Côte de Dieux, Editions Emile-Paul Frères.**
1929 – Auprès de ma blonde…, Editions Emile-Paul Frères.**
1930 – Béatrice devant le désir, Editions Emile-Paul Frères.
1931 – Le Voleur de Femmes, Editions Emile-Paul Frères.**
1931 – Iris perdue et retrouvée, Editions Emile-Paul Frères.**
1932 – Zigoël, Editions Emile-Paul Frères.
1933 – De l’Amour à l’Amour, Editions Emile-Paul Frères.
1933 – La femme de Iakof, Editions Emile-Paul Frères.**
1934 – Isabelle et les préjugés, Editions Baudinière.
1934 – Cette femme qui fut divine…, Editions Baudinière.
1935 – Quand le diable s’en mêle…, Editions Baudinière.
1935 – Le lieutenant de Gilbratar, Librairie Plon.**
1936 – Port-Arthur, Librairie Plon.**
1938 – Le Volontaire, Librairie Plon.**
1941 – Ce que Bodley m’a raconté, Librairie Plon.
1942 – Montmartre, Editions Baudinière.

Récits historiques :

1934 – L’assassinat du Marquis de Morès, Emile-Paul Frères.
1939 – Deux possédés de l’héroïsme. L’escadron du Colonel-France. L’homme au méhari blanc, Librairie Plon.

* écrit en partie à Arcachon.
** écrit entièrement à Arcachon.

Ouvrages divers.

Michelle & Paul Bléry :

1929 – Bléry Michelle & Bléry Paul, A 1800 tours, Editions Emile-Paul Frères.
1930 – Bléry Michelle, Dans le charme païen et sous les forces chrétiennes du Béarn, La Renaissance du Livre.
1918 – Bléry Paul, En mission en Roumanie. Anecdotes de guerre et croquis de mœurs roumano-russes, Figuière.
1931 – Bléry Paul, Sans escales, Louis Querelle, éditeur.
1932 – Bléry Paul, Fiançailles de 1914, Louis Querelle, éditeur.
1933 – Bléry Paul, Aviateurs !, Louis Querelle, éditeur.

Madeleine Charnaux & Jean Fontenoy :

1936 – Jean Fontenoy, L’École du renégat, Gallimard.
1937 – Jean Fontenoy, Cloud, le communiste à la page, Bernard Grasset.
1938 – Jean Fontenoy, Shanghaï secret, Bernard Grasset.
1939 – Jean Fontenoy, Le Songe du voyageur, Bernard Grasset.
1941 – Jean Fontenoy, Le Drame politique français et nos devoirs immédiats, Rassemblement National Populaire.
1942 – Charnaux Madeleine, La passion du ciel. Souvenirs d’une aviatrice, Librairie Hachette.
1944 – Charnaux Madeleine, Qui a tué Marina Sturm ?, Editions France-Empire.

Jean Voilier :

1936 – Jean Voilier, Beauté raison majeure, Editions Emile-Paul Frères.
1938 – Jean Voilier, Jours de lumière, Editions Emile-Paul Frères.
1942 – Jean Voilier, Ville ouverte, Editions Emile-Paul Frères.

Date de première mise en ligne : 21 mars 2006

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