Gujan en 1804

Gujan en 1804, vu par l’instituteur Dailleau et le notaire Dunouguey

 

Le 28 Fructidor an 11 (août 1803) le préfet de la gironde envoyait au citoyen Dail­leau, instituteur à Gujan la circulaire suivante :

« Citoyen

On vous désigne comme très capable de répondre aux questions que renferme le tableau ci-joint. Votre zèle pour le bien public égale, dit-on, vos lumières. Vous allez en fournir la preuve.

Vous savez que chaque département doit faire sa statistique et l’adresser au gouvernement. Divers obstacles ont retardé jusqu’ici cette importante opéra­tion ; le principal est le défaut de sujets capables d’en fournir les éléments. Cette difficulté n’existera point dans votre commune ; puissé-je trouver ailleurs les mê­mes ressources !

L’exactitude est le premier mérite des notes que je vous demande ; ne con­sultez que votre coeur et vos lumières, et que toute autre considération d’intérêt local ou personnel soit exactement bannie. On distinguera facilement les écrits où régnera l’impartiale vérité

Je vous salue

Ch. Delacroix

Le tableau joint comprenait quatre parties : topographie, état des habitants, agri­culture, industrie, comportant chacune de 7 à 13 questions.

Le 17 brumaire an 12 (octobre 1803) une nouvelle circulaire était adressée par le préfet au citoyen Dailleau, instituteur à Gujan. Le préfet lui disait entre autres : «…Vous m’avez été désigné, citoyen comme pouvant fournir des rensei­gnements particuliers sur la Commune de Gujan, avec le citoyen Dunouguey… Votre zèle pour y concourir n’est point équivoque et si les renseignements que je vous ai demandés ne me sont pas encore parvenus, je dois en attribuer la cause aux travaux de la saison, qui absorbent toute l’attention des propriétaires.

…La statistique dont je m’occupe, n’a pour objet que de procurer une des­cription de la France, qui soit plus détaillée et moins incomplète que celles qui ont paru à ce jour. La géographie, l’économie politique, l’agriculture, le commerce, l’histoire naturelle et civile, les sciences et les arts en général retireront des avan­tages réels de l’exécution d’une pareille mesure.

Pour la rendre plus fructueuse, j’ai cru devoir joindre aux tableaux déjà publiés quelques questions supplémentaires…»

Pour finir, le conseiller de préfecture Dufort, remplaçant le préfet absent demandait que les réponses lui parviennent dans un délai d’un mois.

Celles de Gujan ne lui parvinrent que quatre mois plus tard. Dunouguey et Dailleau indiquèrent le pourquoi de ce retard dans leur lettre du 30 Ventôse an 12 (février 1804) :

« Citoyen Préfet

Nous avons l’honneur de vous adresser les réponses aux questions qui sont pro­posées aux tableaux sur la statistique relativement à notre Commune. Depuis longtemps nous eussions fait cet envoi si les divers particuliers, auxquels nous nous sommes adressés pour des renseignements qui n’étaient point à notre portée, ne nous avaient singulièrement fait attendre. Nous avons fait tout ce qui a dépendu de nous pour répondre sur le tout avec autant de précision et d’impartialité qu’il nous a été possible.

Nous avons l’honneur d’être avec le plus profond respect vos très humbles serviteurs.

Voici les questions posées et les réponses des citoyens Dailleau et Dunouguey.

 

PREMIER TABLEAU : TOPOGRAPHIE

1e) Quelle est l’étendue du territoire de votre commune ? Quelle est l’étendue des terres incultes, montagnes, forêts, bruyères, marais, étangs ?

La commune a un myriamètre en longueur et cinq kilomètres de largeur. Sa longueur est du Sud au Nord et sa largeur de l’est à l’ouest. Sa superficie de 9 792 arpens ou à peu près 5000 hectares. Sa superficie en terres incultes est de 8 454 arpens ou 4314 hectares en landes rases produisant bruyères. Nulle forêt, marais, ni étang.

2e) Quelles sont les diverses natures de terrain et leur étendue : gras, sablonneux, à craie, pierreux ?

On reconnaît dans cette commune trois qualités de fonds : le gras, le sa­blonneux et le pur sable. Le premier se trouve au nord de la commune et dans les cartiers de Testey et de Cantarane ; le second au midy dans les cartiers de Haurat, du bourg, la Ruade et Meyran ; et le troisième plus au midy encore de la commune et dans les lieux des Campes, pins de Gujan, Bachelle, et vers les pins de Mayran. Leur étendue est à peu près celle du sixième du territoire de la commune.

3e) La troisième question portait sur les montagnes et les vallées : leur nom, leur élévation, leur direction et les minéraux qu’on y trouve. La réponse fut : néant

4e) Quelles sont les rivières ou les ruisseaux : leur nom, leur direction, leur utili­té pour l’arrosage, les fabriques ou la navigation ?

Nul autre que celui connu sous le nom de ruisseau du moulin du bourg, très peu conséquent, à sec la majeure partie de l’année, surtout dans sa partie du midy. Son cours est directement nord et pran (sic) naissance à un quart de lieu au-dessus du bourg et dans le lieu appelé « La grande craste », il se dégorge dans le bassin. Ses eaux qui ne sont ni abondantes ni rapides ne peuvent être utilisées pour aucune fabrique, à peine le moulin à eaux qui y est baty dessus tourne-t-il l’été.

5e) Quels sont les torrents, leurs dangers…etc ?

Quels sont les anciens monuments romains, gothiques… etc?

Quelles sont les anciennes traditions qui peuvent être relatives à la commune… etc

Nul, autre du moins que l’on ne califie torren, les gros de mer aux équinoxes qui très ordinairement causent de grands ravages aux digues des propriétés qui bordent le bassin, dont la valleur ne peut être apréciée que par des terrassiers.

Pas de monuments gautiques (sic), ni médailles. La tradition de la commune ne nous a jamais été connue et ses premiers habitans faisaient partie sans doute de ceux qui les premiers aussi habitèrent La Teste de Buch.

6e) Quelles sont les routes qui aboutissent à la commune…etc ?

Il en est deux, la première qui de cette commune conduit à Bordeaux et à La Teste, et l’autre qui conduit à La Teste et au Teich.

La première est située au midy de la commune et l’autre au nord et à peu près dans le centre, toutes les deux égallement utiles, soit pour les relations commerciales ou pour les communications de commune à commune et les transports des danrées. Douze cents francs sufisent à leur entretien annuel pour les réparer actuel­lement, parce que déjà on y fait quelques dépance pour les améliorer.

7e) Quelle est la situation des forêts ou bois communaux ?

Il n’y a pas dix ans qu’il existait une fort belle pièce de pignadar, contenant huit cents journeaux, formant un communal d’une section de la commune appellée Mestras et Mestrassau, mais la lissance que se donnèrent quelques individus inquiets et turbulans, dans le temps affreux de la Terreur, fut bientôt cauze de la dévastation totale de cette pièce de pignadar, qui touchait au moment de donner un revenu immance. Maintant nul arbre débout et les dévastateurs se sont exclu­sivement emparé des fonds qu’ils défrichent journellement.

8e) Quel est le nombre de maisons formant l’enceinte de la commune, des habitations éparses, des édifices publics ?

279 maisons ; 2 habitations éparses, l’une appelée La Hume et l’autre la ferme Nézer. Nul édifice public que l’église.

8e) De combien de feux la commune était elle composée avant 1789… Quel était le montant des contributions qu’elle payait… taux des redevances seigneuriales… ?

398 feux. Les contributions montaient à la somme de 3 369 francs. Les rede­vances cidevant seigneuriales étaient pour le vieux fonds d’un sol et de la moitié d’une poule, compris égallement un voyage appelle « bian » que les propriétaires de chevaux étaient tenus à faire pour le seigneur dans la ville de Bordeaux, une corvée à bœufs pour ceux qui en avaient et deux (corvées) à bras pour les autres particuliers.

Les nouvelles rentes avaient été portées à 5 sols par arpen et une paire de chapons, avec la corvée cidevant rappelée. La disme était prise au seixième et les lots et ventes au douzième.

10e) La question n° 10 était : « Combien y avait-il d’hospices dans la commune… époque de leur fondation… revenus…etc. »

Comme pour la question N° 3 la réponse est : néant.

11e) Combien y avait-il d’églises ou chapelles ? Combien de prêtres y étaient-ils attachés ? Combien reste-t-il d’édifices conservés au culte et dans quel état se trouvent-ils ?

Une église très vaste et très belle, dans le meilleur état possible, ayant toujours été respectée des habitans ; deux prêtres y étoient attachés.

 

SECOND TABLEAU : ÉTAT DES HABITANTS

1e) Quel est le nombre de familles domiciliées dans la commune… de bourgeois… paysans, négociants, marchands…mendiants, etc.

Il y a 400 familles, aucun bourgeois, 200 ménagers c’est-à-dire familles cultivant leurs propriétés eux-mêmes, 16 cultivant la terre d’autrui, 40 paysans ou individus, 82 hommes et femmes qui se louent à l’année. Point de négociants, mais 13 marchands ayant boutique et 50 artisans.

Ces artisans sont charpentiers, menuisiers, forgerons, maçons, tonneliers, scieurs de long, cordiers, tailleurs d’habits, boulengers, cordonniers et sabotiers. Une partie de ces artisans manquant d’ouvrage de leur état et ayant à eux du bien leur appartenant se livrent par temps aux travaux de l’agriculture et à faire la pêche dans le bassin.

Mendiants et errans nous n’en avons aucun. La commune a ses pauvres que les personnes les plus charitables assistent au besoin.

2e) Combien y a-t-il de médecins, chirurgiens, pharmaciens et sages femmes… etc. ?

Il y a dans la commune aucun médecin, mais deux chirurgiens qui sont Jacques Garnon et Jean Frix Bezian.

Le premier a commencer à travailler en seul depuis Germinal an 4 (mars 1796) et a étudié en premier lieu à Parentis département des landes, depuis le 14 mars 1784 jusqu’à 1787 ; à Bordeaux depuis 1787 jusqu’à 1790, et à Paris soit aux diver­ses écoles de chirurgie et de médecine depuis 1790 jusqu’à 1792 époque d’une commission du ministre de la guerre qui le nomme chirurgien aux hôpitaux ambulens de l’armée des Pirennées occidentales ou il resta jusqu’au 1er Ventôse, an 4 (février 1796).

Le second a commencé à travaillé en seul depuis 1795 (8 septembre) époque de son retour de l’armée des Pirennées occidentales où il était en qualité de chirurgien. Il a commencé ses études à Bordeaux en 1778.

Nous avons trois sages-femmes qui sont : Marie Daisson, Marguerite Daycard et Marie Desgons. La première a commencé à exercer l’art depuis 1783 (8 septembre) elle a fait ses études à Bordeaux. La seconde exerce depuis 1785, elle a étudié à Bordeaux. La troisième exerce depuis 1787, elle a fait ses études à La Teste et à Bordeaux.

3e) Combien d’hommes de loi… notaires…etc ?

Dans la commune il n’y a points d’hommes de loi, mais seulement un no­taire : Mathieu Dunouguey, dont l’office est créé depuis 1731 sur la tête de Duboscq sont (sic) Grand Père.

4e) Combien de maisons d’éducation, d’écoles gratuites, de maîtres ou maîtres­ses d’école…etc. ?

Dans la commune il y a une maison d’éducation et un maître d’école primai­re, Dailleau fils, qui exerce l’état d’instituteur depuis le 21 thermidor, an 2, de la République. Il enseigne à lire, écrire et compter ; il montre le calcul décimale et la théorie du nouveau système métrique. Ayant 60 élèves il prend pour chaque externe 9… 15… 18…et 24 frs par an.

Il n’y a point d’écoles gratuites, de maîtresses d’école, de domestiques, d’élèves à la pension, ni à la demi-pension.

5e) Combien y a-t-il de militaires existant au service, retirés,… de réquisitionnaires et de conscrits ?

Nous n’avons qu’un militaire existant au service qui est lieutenant d’une compagnie de grenadier, puis cinq réquisitionnaires et conscrits et quinze retirés, dont un pensionné qui faisait partie du cidevant corps royal de la Marine.

6e) Quel est le prix des choses nécessaires à la vie, loyer, pain, viande, vin, divers légumes et bois de chauffage ?

Les prix des loyers sont depuis 12 jusqu’à 60 francs. On paye la livre du pain 22 centimes et demi, la viande 40 centimes la petite livre…, le vin 60 centimes le pot et le bois de chaufage 7 francs la charretée.

7e) Quelles sont les maladies les plus ordinaires dans la commune ? temps de l’an­née ou elles arrivent ?

a) Les maladies les plus ordinaires dans l’automne et l’hiver sont :

Le catharre inflamatoire, la péripneumonie, les rhumes, l’esquinancie1, les flu­xions érésipélateuses.

b) Dans le printemps et l’été sont : les catharres, les affections scorbuti­ques, les fièvres bilieuses, les humorales, les engorgements ganduleux, les flu­xions érésipélateuses, comme aussi cette maladie (connue) sous le nom de « cacharde » endémique dans cette commune. Bézian, officier de santé, nous dit avoir four­ni un Mémoire à la Société de Médecine de Bordeaux au sujet de cette dernière maladie.

8e) Quel est le calcul approximatif des ravages de la petite vérole ? Connait-on l’usage de l’inoculation et de la vaccine ?

On peut porter l’effet destructif de la petite vérole du huit au neuvième. On pratiquait l’inoculation avant la vaccine, mais depuis deux ou trois ans cette dernière est seule en usage.

 

TROISIÈME TABLEAU : AGRICULTURE

1e) Quelle est la quantité de terreins cultivés en bois, bled, seigle…etc. ?

Bois (jeunes pins) : 351 arpents ou 179,2625 hectares

Bled : 125 arpents ou 63,8400 hectares

Bled seigle : 380 arpents ou 194.0636 hectares

Jardins : 10 arpents ou 5,1072 hectares

Prairies : 112 arpents ou 57,2006 hectares

Légumes : ceux qui ont quelque peu de jardin en cultive pour leur petite provision

seulement

Arbres fruitiers : on en cultive un très petit nombre dans les jardins.

Point de chenevis.

8e) Quel est le produit de chacune de ces récoltes en nature, en argent ?

Les arbres pins ne donnent encore aucun revenu.

Les terres en bled produisent, l’année commune, à peu prés :

500 boiseaux – 9 000 francs

Les terres en bled seigle produisent : 8 000 boisseaux – 30 000 francs

Les prairies produisent : 1 400 quintaux -5 600 francs

Les vignes produisent 800 barriques – 33 600 francs

9e) Quelle est la quantité de terreins défrichés depuis 1789 ?

97 particuliers de la commune ont défriché 173 arpents dans les commu­naux.

4e) Quels sont les frais de chaque genre de culture ou de récolte …?

Comme nous n’avons pas assez de bétail pour faire le fumier nécessaire pour fumer nos terres, on se sert des terreaux ou terre grasse mellée avec du jonc, et une certaine herbe que nous appelons « raisin de pred » qu’on prend au déclin de la mer dans les prés salés. Ces terreaux ne produisent pas le même effet que le fumier, quoi qu’ils ne restent pas d’être fort coûteux pour les propriétaires qui s’en servent.

Les bouviers sont employés avec leurs bœufs et charretés pour les trans­ports de ces terreaux ; deux femmes sufisent à la préparation de ces terres pour chaque bouvier. Il n’est pas aisé à se fixer sur la quantité des charretées qu’on en prend tous les ans, mais on peut à peu prés compter sur 1500 à 2000 charretées. On emploie pour les transports et pour tous les labourages qu’on fait pour la pré­paration de ces terres, avant et lors des ensemencements, 650 journées à bœufs, et à peu près 3750 journées de femmes et enfans pour diverses façons qu’on y fait pendant l’année. Il faut 31 boisseaux de bled pour la semence de ces terres. Ceux qui ont du bétail fument ordinairement ces terres en seigle tous les deux ans (avec) du fumier de brebis. Ceux qui n’ont pas du bétail pour faire du fumier sont ceux qui ne récoltent pas autant que les autres et c’est une grande partie des pro­priétaires de ces terres, aussi n’ont-ils que très peu de récoltes. Presque toujours à ces derniers les frais excèdent leurs revenus.

On emploie à ces terres aux environs de 800 charrettes de fumier de brebis tous les ans. Ce fumier se vend 5 francs la charretée. Il faut 1 800 journées à bœufs pour les transports de ces fumiers et pour tous les labourages. On observe qu’il y a des parcs construits si en avant dans les landes où les brebis vont coucher par temps de l’année qu’il y faut pour les transporter sur les terres à ensemencer une journée pour chaque charretée.

Il faut également 11 400 journées de femmes et enfans pour diverses façons qu’on donne au bled seigle. 190 boisseaux sont employées pour la semence.

Nous n’avons pas de prairies qui puissent se passer de fumier, au contraire il nous les faut fumer tous les ans, et même, si le temps se trouve sec le mois de floréal, une partie d’icelles ne rapporte presque rien ou peu de chose. On ne peut guère se fixer sur ce qu’il en coûte, soit pour les fumer, faucher et semer, mais nous estimons à peu près à 4 000 frs tous les ans.

Les vignes

Nos vignes doivent être fumées tous les 4 à 5 ans. Néanmoins celles qui se trouvent plantées dans les meilleurs fonds de la commune ne doivent pas l’être si souvent. Mais celles qui se trouvent dans les terres sablonneuses sont plus mai­gres et résistent moins aux chaleurs de l’été et sont plus sujètes à geler que les autres. On fume la plus grande partie de nos vignes avec des terreaux gras qu’on prend aux préds salés et qu’on mêle avec du fumier ou du jonc. Nous portons les frais, soit du fumier et transports, soit pour autres frais de vendanges à la somme de 6 000 francs et à peu près 3 600 journées de vignerons pour le taillage et épam-prages, et 22 000 journées des femmes et enfants, pour toutes les façons qu’on fait tous les ans à la vigne.

5e) Combien d’arpens de terre avait on consacré à la culture de la vigne en 1789 ? combien en cultive-t-on aujourd’hui.

D’après les états de section, on cultivait en 1789, quatre cent vingt deux arpens de vignes de tout âge. Aujourd’hui on n’en cultive que trois cent soixante arpens. Les vignes ayant gelé pendant trois années de suite, plusieurs particuliers ont été obligés de les faire arracher.

6e) Quelle quantité de vin produit annuellement votre commune ? Quelle est sa qualité, son prix, son débouché ?

On récolte annuellement aux environs de 800 barriques de vin, excepté les trois dernières années. Les vins sont naturellement bons si on laisse bien mûrir les raisins et qu’on les conditionne bien. Le tonneau se vend de 140 à 200 francs. On peut fixer annuellement le prix de chaque barrique à 42 francs.

Nul autre débouché que celui des cabaretiers de la commune.

7e) Quel nouveau genre de culture a-t-on introduit ?

Nul autre que celui de tous les temps qui est en usage.

8e) Quel est le prix des journées d’hommes, de femmes, d’enfans, des bêtes de
somme, des charrues…?

On paye la journée du vigneron : 2 francs, celle du brassier : 1,25 F. La journée de femme : 75 centimes, celle d’enfan : 60 centimes. La journée à boeufs, 7 francs y compris le diner qu’on donne au bouvier, qui a été d’usage de tout le temps.

9e) Quel est le nombre de bras employés à l’agriculture ?

On peut à peu près compter sur 800 hommes, femmes et enfans. On obser­ve que la majeure partie des hommes de cette commune sont marins, et l’autre partie sont voués à l’agriculture, aux arts et métiers et que ce sont les femmes qui font presque tous les travaux dans les champs, excepté le labourage et le taillage de la vigne.

10e) Quel est le nombre de charrues traînées par des chevaux, bœufs et mulets ?

On ne se sert point dans la commune de chevaux ni de mulets pour le labou­rage mais seulement des bœufs dont il y a 34 paires.

11e) Combien d’animaux destinés à l’agriculture…leur valeur en numéraire, leur produit en argent, leur produit en nature … ?

 

Nombre

Valeur en numéraire

Produit en argent

Produit en nature

Bœufs

68

10 000 frs

2 000 frs

136 bois de seigle (4 boisseaux la paire)

Vaches

35

1 000 frs

150 frs

10 veaux (15 f pièce)

Brebis

6 400

25 000 frs

8 760 frs

1 000 agneaux

96 quintaux de laine

Chèvres

312

780 frs

75 frs

50 chevreaux

 

Il faut soustraire du produit que donnent en argent et en nature les 6 400 têtes de bêtes à laine, ce qu’il en coûte par an aux propriétaires pour la garde des dits troupeaux, ce qui n’est pas moins de 12 boisseaux de bled seigle et 100 francs en argent pour un troupeau de 200 têtes de ce bétail, sans compter les accessoi­res. Il en ait (sic) de même des vaches, à ce dernier il est bien sur que le frais qu’on fait du gardage et de leur entretien excède le revenu.

12e) Quelle est la quantité de ces denrées nécessaires à la consommation de la commune ?

Les bouchers de cette commune tuent tous les ans aux environs de 40 bœufs et vaches, 40 veaux et 500 moutons qu’ils achètent dans la commune et hors com­mune. On tue tous les ans 200 agneaux et chevreaux.

13e) Dans quel marché transporte-t-on les productions excédant la consommation ?

Nul excédent. Au contraire la Commune a besoin de se pourvoir ailleurs d’une partie des objets qu’elle a besoin pour sa consommation.

 

QUATRIÈME TABLEAU : INDUSTRIE

 

1e) Quelles sont les fabriques en activité dans la commune ?

2e) Quels sont les bras qu’elles emploient…etc. ?

3e) Donner des détails sur les fabriques de soie, d’étoffes de laine et de toiles ?

Réponse à ces trois questions : Il n’y a aucune espèce de fabrique dans la commune.

4e) Quelles sont les foires, les marchés de la commune…etc. ?

Il n’y a dans la commune aucune foire, ny marché.

5e) Quels sont les marchés où la commune s’approvisionne ?

À Bordeaux

6e) Combien y a-t-il de charrettes, chevaux et mulets employés à l’exportation des denrées de la commune…etc. ?

Nulle autre exportation que celle qu’on fait du poisson de la mer, huîtres et autres coquilages, qu’on pêche dans le bassin d’Arcachon dont 10 bouviers avec leurs bœufs et charrettes et 36 chevaux sont employés au transport de ces objets qui se font à Bordeaux et au retour on charge d’autres objets pour l’importation et approvisionnement de la commune.

 

QUESTIONS SUPPLÉMENTAIRES

1e) Quel est le caractère dominant des habitants de votre commune ? sont-ils ro­bustes… etc ?

Caractère doux, aimant, hospitalier, sensible et reconnaissant, robuste, vif, laborieux, ingénieux et pour l’art de l’agriculture et celui de la pêche, auquel la majeure partie s’est adonnée de tous temps.

Les femmes surtout excellent dans les travaux des terres, et particulière­ment des vignes, qui sont cultivées et toujours aussi propres que leurs jardins.

Il ait peu de femmes, qui indépendament de la manière dont il faut faire en temps utile les façons en tout genre de culture, ne sache aussi parfaitement bien tailler un pied de vigne.

2e) Quels sont les mœurs, habitudes, coutumes, fêtes singuliers, amusements remarquables, préjugés bizarres ?

Mœurs bonnes et régulières, pas de fortes passions, beaucoup de religion sans fanatisme, beaucoup de sobriété. Il est rare de voir un homme pris de vin, malgré que leur constante habitude à quelqu’un d’eux soit d’aller boire à l’au­berge les jours de fête. Bon fils, bons maris et citoyens paisibles.

La fête de la Saint-Michel qui se célèbre tous les ans le 29 septembre, ou le 6 vendémiaire, est assez singuliaire et étonnante, soit tant pour la grande afluance du monde qui s’y rend que par la cérémonie bizarre qu’y font ceux qui y sont venus par dévotion. Ils font d’abord neuf tours autour de l’autel et du saint pour lequel ils déposent ensuite un cadeau en argent, bougie, ou de petites che­mises garnies de dentelles, dont la bauté dépand de la fortune de la femme qui fait la dévotion, car il est rares de voir les hommes se joindre à elle. Autrefois cette cérémonie se terminait en faisant passer un enfant par un trou pratiqué dans l’é­paisseur du mur, qui était reçu en dehors par une personne qui a son tour le fai­sait repasser jusqu’à neuf fois, mais ce trou a été fermé il y a a peu prés trente ans par les ordres du curé d’alors.

3e) Y parle-t-on un patois particulier…?

Le patois est à peu près celui que l’on parle à Bordeaux.

4e) A combien s’élève la population actuelle de la commune en hommes, femmes et enfants :

1 650 hommes, femmes et enfants.

5e) Y existe-t-il des centenaires… ?

Nul et très rare d’y voir des octogénaires.

6e) Quels sont les insectes, les vers, les poissons, les animaux sauvages les plus remarquables… etc. ?

Les chenilles et le barbot bleu sans être fort remarquables sont très préju­diciables aux récoltes et surtout à celle de la vigne. Car ce dernier après s’être nourri de feuilles de vigne dépose un œuf dont il naît une chenille noire qui à son tour ronge la manne et la pousse. On les détruit en les ramassant à tous les pieds de vigne dans des petits sacs.

Le seul animal sauvage que nous ayons ici, c’est le loup qui s’est furieusement multiplié depuis quelques années et fait de grands ravages aux troupeaux de brebis.

7e) Quelles sont les plantes rares… vénéneuses… utiles ?

Nulle qui soit encore connue.

8e) Quels sont les insectes qui attaquent plus particulièrement la vigne et le blé… etc.?

Répondu à la sixième.

9e) Quels sont les espèces de raisins… dire si ces cépages sont connus sous un au­tre nom dans les environs… si on pourrait en croiser les ordres par la greffe ?

Le pignon, grand et petit ; le bequin ; l’eriradjat ; le chalosse, le pique poulie, le bandoux berdet ; le sémelion.

On ne sait pas le nom que ces cépages ont aux environs de Bordeaux, mais il est certain qu’il peut se multiplier et en croiser les ordres par la greffe.

10e) Quelle est l’espèce de raisins que l’on cultive avec le plus d’avantage… etc. ?

En blanc : le bequin, l’enradjat et le sémelion ; en rouge : le petit et grand pignon et le plan d’Alès.

11e) Quelles sont les circonstances les plus favorables au succès de la vigne et à la qualité de la vendange ?

Depuis quelques temps on a remarqué que celle de planter les vignes à jouales2 était la première la plus favorable à leur succès, mais ici par une vieille habitude on continue de planter en plein ; cependant l’expérience nous a sufisament appris que les fortes challeurs faisaient infiniment plus souffrir les vignes plantées près à près que celles qui étaient plantées à une certaine distance, ou qui se trouvait près d’une terre labourable.

12e) Quelle est la nature particulière de ces vins, se conservent ils facilement… ?

Les vins de cette commune sont très couverts et d’une bonne qualité, pour­vu qu’ils ne soient pas près matures et que d’ailleurs on les conditionne bien.

13e) Fait-on des eaux de vie… ?

On ne fait pas d’eau de vie.

14e) A-t-on analysé les eaux des puits et des fontaines ?

On n’a pas annalisé les eaux des puits ni des fontaines, mais elles passent en général pour être bonnes.

15e) Quelles sont leurs qualités ?

Un peu ferrugineuse et minérale.

 

Après réception de ce Mémoire le préfet Delacroix écrivit au citoyen Dailleau :

« Parmi les réponses que j’ai fait répandre dans ce département j’ai remar­qué avec satisfaction le Mémoire que vous avez bien voulu m’adresser sur la com­mune de Gujan.

Recevez mes remerciements pour ce curieux et intéressant travail. Les recherches variées qu’il contient seront d’utiles matériaux pour la statistique de la Gironde. Si l’importance de cette opération dont je m’occupe était sentie dans toutes les communes par des personnes qui, comme vous, citoyen, réunissent le zèle aux lumières, on jouirait alors d’une description étendue de ce département ».

 

(B.M.A. – Fonds Rebsomen)

 

N.B. :

1°) Mathieu Dunouguey fut notaire à Gujan de 1783 à 1812 et le premier maire de Gujan (1790-1791). Il était marié à Marguerite Malebat et mourut au bourg où il habitait le 19 février 1812, âgé de 50 ans.

2e) Pierre Dailleau, instituteur, né à Gujan était fils de Bernard Dailleau, forgeron, qui fut officier muni­cipal dans la municipalité de Jean Gaston Caupos (1793), et de Marguerite Pan. Il décéda, le 12 août 1825, étant membre du Conseil municipal, âgé de 57 ans. Son père, Bernard, mourut, le 30 octobre 1825, âgé de 80 ans et sa mère, née à Gujan, le 1er novembre 1830 âgée de 93 ans.

 

1. Violente inflammation des amygdales.

2. En dialecte local : platebande de vignes.

 

Extrait du Bulletin N° 19 du Bulletin de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch du 1er trimestre 1979.

 

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