La pêche au XVIIIe siècle – Le Masson du Parc (3)

Le procès verbal de Le Masson du Parc

(Suite et fin)

 

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Toutes ces pêches pratiquées par les pêcheurs de Buch et dont nous venons de faire mention, tant celle du Peugue ou de la grande mer que celle du Bassin ou de la petite mer ne se font pas généralement par tous les pêcheurs des paroisses qui entourent le Bassin. Quelques uns pratiquent certaines pêches qui ne sont pas aux autres d’usage. La pêche du Peugue ne se fait que par les seuls pêcheurs des paroisses de la Teste et de divers quartiers de Gujan. Les autres ne sortent guère avec leurs pinasses hors du Bassin où ils font les diverses pêches usitées durant l’été. En hiver ils s’occupent avec les autres riverains des côtes du Médoc à la pêche des huîtres et des coquillages qu’ils font avec bateaux ou à pied.

 

PÊCHEURS ET FILETS TESTERINS

Il y a à la Teste de Buch douze grandes chaloupes servant à la pêche à la grande mer, montées et équipées comme nous l’avons ci-devant expliqué. Ils ont pour faire cette pêche des folles, des bijarreres, des petuts, des léojones et des estoires. Des maîtres de ces chaloupes prennent un rôle au bureau des classes pour faire la pêche et ne levaient point autrefois de congé à l’Amirauté. Les mailles des folles ou martramaux ont six pouces en carré. Ainsi elles font un pouce plus large que le calibre que l’ordonnance a fixé pour ces sortes de filets.

Les mailles des bijarreres ou grands sédentaires ont celles de l’armail, l’émail ou les hameaux de neuf pouces en carré, comme pour les rets servant aux hameaux de la dreige, et celles de la charte, carte, toile, nappe ou ret du milieu sont de deux pouces en carré.

Les petuts dont le fil qui les compose est plus gros que celui des bijarreres ont les mailles de l’armail ou du hameau de neuf pouces en carré et celles de la carte ou nappe ont vingt-cinq lignes en carré.

Les léojones ont la maille du hameau ou de l’armail de six pouces trois lignes en carré et celles de la carte, toile, nappe ou ret du milieu ont vingt lignes en carré. Les mailles des estoires ont celles de l’armail ou du hameau de six pieds en carré et celles de la charte, carte ou ret du milieu de deux pouces en carré comme celles des bijarreres. Elles n’en diffèrent que pour la différence des hameaux ; ce filet est composé d’un fil fort fin.

Il y a à La Teste, outre les chaloupes du Peugue, vingt-quatre pinasses ou petites tilloles de la forme que nous l’avons ci-devant expliqué. Elles font en été avec deux ou trois hommes d’équipage la pêche en petite mer ou dans la baie. Les pê­cheurs de La Teste se servent de seines à la côte et dans le Bassin, de rets ou martramaux ou grandes folles, de touillaux ou petuts à chiens, de léojones, d’aumaillades ou petits tramillons, de sardinières, de dragues pour les huîtres, du grand palet et de houches ou houchines. Les habitants font aussi dans le temps la pêche à pied à toutes les espèces de coquillages dont nous avons ci-devant fait mention. Les mailles de la seine à la pointe ou à la grande côte sont de deux espè­ces : les plus larges n’ont que treize lignes en carré et les plus serrées n’en ont que onze. Ce ret est composé de fort gros fil et sert aussi comme nous l’avons dit à la garniture des tentes du palet.

La seine à la pointe et dans le Bassin ont les mailles aussi de deux échantillons : les plus larges ont dix lignes et les plus serrées seulement neuf lignes en carré. Outre ces seines, la plupart des maîtres des tilloles ont une petite seine qu’ils nomment garolle et traîne à turbillons qui sont les petits turbots ou cailletots et dont les mailles sont fort larges ayant deux pouces en carré. Cependant, comme ce ret se traîne le long des gorges et des achenaux, son usage ne peut que faire un mauvais effet et détruire tout le poisson du premier âge qui se réfugie dans le fond de la baie pendant les chaleurs de l’été, le bord du rivage de la grande mer étant trop agité comme nous l’avons plusieurs fois observé.

Les mailles des folles qui servent à faire pendant l’été la pêche des anges, moines, martrans ou bourgeois sont de même grandeur que celles des folles qui servent à la mer étant les mêmes filets. Il n’y a aucune autre différence sinon que la chasse ou tessure est beaucoup plus petite.

Les rets nommés touillaux et qui servent à faire la pêche des chiens de mer que les pêcheurs de Buch nomment touils comme aussi à Bordeaux sous le nom de creacs de Buch, sont les mêmes que les pêcheurs normands nomment canières et grandes haussières, servant de même à faire sur les roches la pêche des chiens de mer. Ceux de La Teste sont de deux sortes de grandeur : Leurs plus larges mailles ont quatre pouces en carré et leurs plus petites n’ont que trois pouces neuf lignes, aussi en carré.

Les rets nommés léojones dont les pêcheurs se servent dans le Bassin sont les mêmes trameaux qui servent à la pêche du Peugue et qui se tendent de la même manière sinon que la tente ou chasse est bien plus courte, n’étant composée seulement que de quatre pièces de trameaux.

Les rets nommés aumaillades qui servent à faire la pêche du carra dans le Bassin sont à peu près les mêmes que les tramillons dérivant. La maille de la carte, char­te, toile, nappe ou flue n’a seulement que neuf lignes en carré et l’armail ou le hameau a trois pouces quatre lignes aussi en carré. Ces sortes de rets, comme nous l’avons expliqué ci-devant sont devrais trameaux dérivant. Les mailles des rets à sardines que l’on nomme sardinières sont fort larges en égard à celles des pêcheurs de Provence et au calibre des rets que l’ordonnance de 1681 a fixé pour faire cette pêche. Elles ont sept lignes en carré mais comme le filet est dérivant à fleur d’eau et qu’on n’y prend que des poissons passagers, jamais leur usage ne peut faire tort aux fonds sur lesquels on s’en sert. Les pêcheurs de La Teste font avec leurs tilloles ou petites pinasses la drague aux huîtres dans le Bassin comme nous l’avons expliqué.

Les mailles des rets du grand palet qui sont les mêmes que les seines à la petite côte et dans le Bassin n’ont seulement que neuf lignes en carré en quoi ils sont formellement contraires à l’ordonnance étant une tente de basse eau à la côte ; ainsi les pêcheurs qui font ces sortes de pêcheries se doivent conformer aux dispo­sitions de l’ordonnance pour la grandeur des mailles des filets qui y sont employés. Les pêcheurs du bourg de La Teste ne font point la pêche du palicot que pratiquent les autres qui sont en tirant au nord et tournant autour du Bassin, y ayant depuis Meyran jusqu’à Andernos plusieurs tentes de palicots. Celles du palet ne se fixent point dans les fonds de la baie. Ceux de La Teste et de Gujan doivent être regardés comme les grands pêcheurs tant de la grande que de la petite mer.

L’HEURE DES DOLÉANCES

Les pêches qui se pratiquent à La Teste de Buch n’ont augmenté ni diminué de mémoire d’homme, à ce qui nous a été assuré par tous les pêcheurs du lieu. Après laquelle visite finie dans les maisons des pêcheurs, nous, Commissaire Ins­pecteur susdit, ayant fait armer et équiper un canot, nous nous sommes embar­qués pour visiter les côtes de cette baie et faire faire en notre présence les pêches de la seine à la grande côte et celle du grand palet près le Cap Ferret pour connaî­tre par nous même l’opération de ces deux sortes de pêches, tous les habitants de La Teste voulant nous persuader que la première ne peut être abusive et qu’il ne se pouvait prendre que de gros poissons dans la tente du palet. L’une et l’autre de ces pêches ayant été faite, nous avons croisé la baie pour en reconnaître les fonds et les achenaux, gorges ou crassats qui sont autour ; après quoi, nous som­mes revenus débarquer à La Teste.

Les pêcheurs s’étant ensuite tous rassemblés nous ont représenté que, quoique la pêche soit libre et permise à tout le monde, conformément à l’ordonnance de 1681, cependant le seigneur Captal de Buch lève sur eux plusieurs droits tant sur le produit de leur pêche dans la baie que pour celle du Peugue ou de la grande mer. Ils nous ont aussi dit qu’en ayant ci-devant porté leurs plaintes aux officiers de l’Amirauté du ressort, ils y avaient été condamnés à lui payer des droits qu’ils lui doivent d’autant moins qu’ils sont nouveaux, dont ayant fait appel au Parle­ment, la sentence y aurait été confirmée par arrêt sans aucune discussion du fait ni vérification des titres – ce qu’ils ont d’autant plus lieu de présumer qu’ils payent des droits qui ne se percevaient pas il y a moins de quinze ans. Ils espèrent de la justice du conseil de SM qu’en maintenant leurs droits et au seigneur une jouissance en conformité de ses titres, ils seront déchargés de payer ce qu’ils ne lui doivent point. Ils nous ont représenté que c’est l’unique ressource qui leur reste aujourd’hui pour ne pas être contraints de négliger ou d’abandonner la pêche qu’ils font sans laquelle les habitants de Bordeaux ne pourraient aucunement subsister et qui entraînerait, si elle cessait, la perte totale des habitants de La Teste et des autres lieux du tour de la baie, pourquoi ils nous requerraient, en exécution de nos ordres, de recevoir leurs plaintes pour y être fait droit en temps et lieu et aussi que S.M. aviserait bien être.

Et nous étant enquis des pêcheries marchandes et intéressé à la pêche quelles sortes de droits étaient prétendus par le seigneur en sa qualité de captai, ils nous ont assuré que chaque chaloupe faisant pendant l’hiver la pêche du Peugue ou a la grande mer paye pour droit de capte cinquante livres chacune au lieu du deuxième beau poisson que le seigneur prétend avoir toutes les marées sur chaque chaloupe venant de la pêche en mer. Qu’autrefois ce prétendu droit de capte, du temps des anciens seigneurs de Foix et de Candale, n’était que de trois livres quinze sols par chaloupe, qu’ensuite on le porta de cinq livres jusqu’à dix livres en 1701 et 1702. Ce droit fut augmenté jusqu’à quinze livres. Le nouveau seigneur, après son acquisition du captalat depuis 1713 a encore perçu en droit sur le même pied de quinze livres qu’il a ensuite de son autorité augmenté jusqu’à cinquante livres pour chaque chaloupe. Que ce prétendu droit de capte, qui n’est dans le fond autre chose que d’être au premier gentilhomme de Buch, ne peut aussi être expri­mé dans ses titres non plus que les autres droits qu’il a usurpés – savoir de lever sur chaque pêcheur outre le droit de capte, un plat de poisson chaque année, lequel plat doit être composé d’un turbot marchand, c’est-à-dire de grande taille, de six grandes paires de soles marchandes ou de service, d’une rose ou dorée, d’un grondin, d’un merlu, d’une raie et de deux roussettes, le tout marchand. Que pour éviter les procès qui leur étaient suscités journellement, ils ont été forcés de passer une transaction qui a été faite par le seigneur et par le ministère de Barberon, notaire et juge de La Teste, demeurant à Gujan, agent et homme d’af­faire du seigneur, et que ceux qui ont signé à cette pièce ne peuvent obliger une communauté surprise ou intimidée – lequel acte devient de lui-même nul de droit.

UN TARIF DE FAVEUR

Qu’en conséquence qu’autrefois leurs anciens Captaux de Buch avaient fait faire par leur juge de police la taxe de diverses espèces de poissons qui servaient et se consommaient à La Teste, le Captai d’aujourd’hui avait fait faire par son juge, pour lui seul uniquement, une taxe à sa volonté des diverses espèces de poissons de mer qu’il fait prendre à la criée ou marché de la marée à Bordeaux toutes fois qu’il lui plaît. En sorte que leurs frais de voiture sont encore à leur charge ainsi que d’autres petits droits. Que celui-ci n’a jamais été prétendu par aucun seigneur et que si semblable chose s’est pratiquée, ils y ont été forcés par l’autorité et la puissance auxquelles ils ne peuvent résister.

Que le turbot marchand n’est passé sur le tarif du seigneur qu’à quarante sols la pièce, la douzaine de barbeaux ou surmulets à deux sols six deniers, les muges ou gros mulets à cinq sols la douzaine, la paire de soles marchandes à dix sols, le merlu, la raie et le grondin marchands à cinq sols la pièce, la roussette, la rose ou dorée aussi à cinq sols la pièce et le cent de sardines à vingt sols et celui d’une pièce sur chaque douzaine d’oiseaux marins péchés dans le Bassin. Quoique les pêches qui se font sur toute l’étendue de la baie soient libres et ne doi­vent rien à personne, que le seigneur ne laisse pas de prendre à Bordeaux durant l’été ainsi qu’en hiver le poisson qu’il lui plaît, que cette liberté de prendre ainsi la marée à volonté ruine leur commerce et les prive souvent du fruit de leur pêche qu’ils font presque toujours aux risques de leur vie et qu’enfin le seigneur, s’il a quelque droit, ne l’ayant que sur les pêches qui abordent au Bernet, ce serait à lui d’y faire percevoir son droit – ce qui lui serait même impos­sible, aussi bien aux pêcheurs qui font la pèche du Peugue d’aborder au Bernet, les vents contraires les forçant fort souvent d’aller ailleurs avec leur poisson. Et que pour leur donner la liberté dont jouissent tous les pêcheurs de mer des autres côtes du royaume, il serait nécessaire de leur faire payer en dernier la valeur des droits dont le seigneur se trouvera en possession à juste titre, parce que toutes les pièces en grand nombre que le seigneur a fournies contre eux n’ont jamais été que pour faire illusion aux jugés et leur en imposer, puisqu’il est constant qu’elles n’établissent rien. Pour prouver conformément à ce qu’il est prescrit par l’ordon­nance l’existence et la faculté des droits que l’on exige sur eux sans aucun titre et pour nous mettre en état de faire avec fruits à la Cour leur représentation, ils nous ont remis en mains plusieurs pièces pour servir à leur défense et à les faire décharger des droits exorbitants et inouïs que l’on lève sur eux et sur le produit de leur pêche.

AU PORT DE MEYRAN

Après quoi nous, Commissaire Inspecteur susdit, accompagné du dit sieur Taffart, suivi du sieur Pierre Goujon, archer, de Jean Marchand, syndic des pêcheurs de La Teste et guidé par le nommé Pierre Disson, nous en tournant autour de la baie d’Arcasson, sommes venus au village de Meyran (Mayram), dépendant de la paroisse de Gujan.

Il y a à Meyran deux grandes chaloupes pour faire la saison prochaine la pêche du Peugue ou de la grande mer. Il n’y a que leurs pêcheurs de mer qui commen­cent à prendre un rôle et un congé pour faire leur pêche pendant la saison. Tous les autres, qui se servent comme ceux de La Teste de tilloles ou pinasses, ne prennent jamais aucune expédition.

Les pêcheurs de la petite mer ou du bassin ont pour y faire la pêche dix huit pinas­ses ou tilloles de la même fabrication que celle des pêcheurs de La Teste et nous étant transporté dans les maisons des pêcheurs, nous y avons trouvé des rets à martrans, folles ou matramaux, des bijarreres, des leojones et des estoires pour la pêche du Peugue et, pour aller dans la baie, des folles, des demi-folles ou touillaux, des leojones, des leyraux, des tramails ou tremiles, des sardinières, des dragues aux huîtres, des rets à palicots et des houchines ou fouënnes. Que chaque paroisse du Bassin ait une seine à la grande côte ou à la grande mer et quelques unes pour la pêche dans le bassin, nous n’en avons cependant point trouvé à Meyran, les pêcheurs prévenus de notre visite les ayant cachées ou enlevées de chez eux.

Les mailles des folles ou matramaux de Meyran sont plus serrées que celles des mêmes rets des pêcheurs de La Teste, n’ayant seulement que cinq pieds neuf li­gnes en carré. Ces mêmes rets servent pendant l’été à la pêche de la petite mer. Les trameaux nommés bijarreres ont la maille de la charte ou carte qui est la nappe ou ret du milieu de vingt et une ligne en carré et celles du hameau ou de l’armail ont neuf pieds deux lignes aussi en carré.

Les mailles des trameaux nommés léojones ont celles de la charte ou carte de dix-neuf lignes en carré et celles de l’armail ou des hameaux qui sont des deux côtés des six pieds deux lignes aussi en carré.

Les estoires qui sont la troisième espèce de trameaux servant à la pèche du Peugue ont la maille de la carte, charte ou flue de seize lignes en carré et celles des hameaux qui sont à côté ont les leurs de sept pouces neuf lignes aussi en carré. Les matramaux ou folles ou rets à martrans de la petite mer sont comme les folles à la grande mer. Les demi-folles, touillaux ou rets à chiens sont composés de rets de gros fil dont les mailles ont seulement trois pouces dix lignes en carré. Les léojones sont les mêmes trameaux que ceux qui servent à la pêche du Peugue ou de la grande mer sinon comme on l’a dit que les chasses, tentes ou tessures sont moins longues.

Les mailles des leyreaux qui servent à la pêche de la jagude ont la maille de la charte, ou carte, de treize lignes en carré et celles des hameaux ou de l’armail ont seulement trois pouces en carré. Ces trameaux servent à faire la pêche des poissons ronds également comme celle des platasses ou poissons à plat. Les tramails, tramils ou tramillons ne servant que dans la petite mer comme tous les autres rets depuis Pâques jusqu’à la Toussaint et même quelquefois durant l’hiver pour faire la pêche des mulets, des daurades et des loubines ou briques, les mailles de la carte ou charte ont douze lignes en carré, celles des hameaux ou de l’armail ont cinq pouces neuf lignes en carré. Ces rets sont au surplus formés d’un fil beaucoup plus fin que n’est celui des autres trameaux. Ce sont les mêmes rets connus des pêcheurs de Gironde, Garonne ou Dordogne sous le nom de tirolles ou trollets pour la même pêche des mêmes poissons et des platasses. Au surplus presque tous les rets tramaillés qui sont dans la plupart des paroisses situées sur les rives de la baie d’Arcasson depuis La Teste jusqu’à Lège n’ont au plus qu’une grande demi-brasse de hauteur.

Les mailles des sardinières que les pêcheurs nomment encore aumaillades à sardines sont semblables à celles des pêcheurs de La Teste, ayant sept lignes en carré. Il s’en trouve de plus larges échantillons et aussi de plus serrés. Ces derniè­res servent au commencement de la pêche parce qu’à la fin de la saison les sardi­nes sont ordinairement de plus grosses espèces que lorsqu’elles ne font que de paraître ainsi qu’il est arrivé de même à toutes les autres sortes. Les dragues pour faire la pêche aux huîtres avec pinasses sont les mêmes instru­ments que ceux des pêcheurs de La Teste et sont formés de la même manière. Le ret pour faire la tente des palicots n’est que neuf lignes au carré. Plusieurs des pêcheurs qui font la pêche à la grande et à la petite mer avec bateaux font avec beaucoup de fondements leurs plaintes contre ceux qui font cette tente le long des achenaux et dans les fonds de la gorge de la baie et cette pêcherie comme nous l’avons ci-devant observé est infiniment plus nuisible que celle du grand palet. Les houches, houchines, fouënnes des pêcheurs de Meyran sont ébarbelées de cinq pièces. Les pêcheurs pour empêcher qu’en s’en servant les branches ne s’en écartent et ne s’éloignent de manière que le poisson se pourrait échapper garnis­sent les bas des branches de cordages pour les maintenir serrées.

GUJAN-BOURG

Après laquelle visite finie en continuant toujours notre route accompagné, suivi et guidé comme ci-dessus, nous sommes venus au bourg et paroisse de Gujan. Les pêches de ce lieu sont moins considérables et nombreuses qu’à La Teste de Buch ou à Meyran et dans le quartier qui suit. Il n’y a aucune chaloupe du lieu pour faire la pêche en mer à la grande mer.

Ceux du lieu qui ont des rets pour la pratiquer vont monter dans les chaloupes des lieux précédents. Ils y font avec les autres pêcheurs des pêches des martramaux ou des folles et celles des léojones et estoires. Comme ces rets sont de même échantillon que les précédents, nous n’en ferons point ici d’autres détails. Les pêcheurs de Gujan ont neuf pinasses ou tilloles pour faire dans le bassin les pêches avec leurs rets de martramaux, de touillaux et de leyraux. Ils font aussi dans la saison la pêche des huîtres, des moules et de toutes les autres espèces de coquillages qu’on trouve en abondance sur les fonds qui découvrent toutes les marées et surtout durant les vives eaux des équinoxes.

Les mailles des martramaux ou folles sont très larges ayant sept pouces en carré étant ainsi presque deux fois aussi larges que l’ordonnance a déterminé la gran­deur, qui n’est que de cinq pouces au moins.

Les touillaux, rets à touils ou demi-folles qui sont les canières et les houlviches des pêcheurs normands, ont seulement trois pouces en carré. Les mailles des trameaux nommés léojones dont les pêcheurs se servent pour la pêche de la petite mer avec leurs pinasses, ont celles de la carte, toile, nappe ou ret du milieu de quinze lignes en carré et celles des hameaux ou de l’armail sont de quatre pouces en carré.

MESTRAS AUX PÊCHES AUSSI CONSIDÉRABLES QU’À LA TESTE

Après laquelle visite finie dans les maisons des pêcheurs de Gujan, nous, conti­nuons toujours notre route pour tourner autour de la baie, sommes venus à Mestras, autre quartier dépendant de la paroisse de Gujan et où se font des pêches aussi considérables et nombreuses qu’à La Teste de Buch, tant à la grande qu’à la petite mer, pour l’hiver et l’été. Ce lieu dépend encore des Captais de Buch et les pêcheurs y sont sujets à payer les mêmes droits que ceux que nous avons fait mention à la Teste de Buch.

Il y a à Mestras sept chaloupes de même forme que celles dont nous avons fait ci-devant la description, pour faire la pêche du Peugue et dont les pêcheurs se servent à cet effet de martramaux, bijarreres, petuts, léojones et estoires. Ils se servent aussi des mêmes rets et filets dans le bassin pour la pêche à la petite mer quand celle de la grande a cessé. Les pêcheurs outre ces sortes de filets ont des touillaux, des leyraux, des tramiles, des sardinières ou aumaillades à sardi­nes, des dragues aux huîtres et des houchines, fouënnes ou fischures. Ils ont pour faire toutes ces différentes pêches dans le bassin jusqu’à soixante tilloles ou pinas­ses, comme celles des lieux précédents.

Les folles, petuts à martres ou martramaux des pêcheurs de Mestras tant à la grande qu’à la petite mer sont les mêmes que celles des pêcheurs de Gujan ayant jusqu’à sept pieds en carré.

Les mailles des bijarreres ont celles des hameaux d’une ligne plus large que les mêmes filets de Meyran ayant neuf pouces trois lignes en carré, celles de la chasse ou carte sont plus larges, ayant vingt-quatre lignes en carré. Ce tramail est compo­sé d’un fil assez gros.

Les mailles des hameaux ou de l’armail des trameaux nommés petuts sont encore plus larges que ceux des bijarreres ayant jusqu’à neuf pieds six lignes en carré. Le fil de ce tramail est plus fin que celui dont se compose les bijarreres. La maille de la charte, carte, nappe ou ret du milieu est de la même grandeur que celle des bijarreres ayant l’une et l’autre vingt-quatre lieues en carré. Les trameaux nommés leojones ont la maille des hameaux ou de l’armail de six pieds en carré et celui de la carte, charte ou flue ou ret du milieu n’a que vingt lignes aussi en carré.

Les mailles des trameaux des estoires ont celles de l’armail de sept pouces en carré et celles de la carte, toile, nappe ou ret du milieu est de deux sortes : les plus lar­ges ont vingt lignes en carré et les moindres dix-huit lignes, aussi en carré. Ainsi elles sont bien plus larges que les mêmes filets de Meyran.

Outre la pêche du Peugue ou de la grande mer, où servent ces filets, on fait aussi avec eux la pêche durant l’été à la petite mer ou dans le bassin avec les tilloles ou pinasses, à la différence, comme nous l’avons observé, que les tessures ou chasses sont très courtes et que ces trameaux sédentaires n’ont qu’une bouée à chaque bout.

Les touillaux, rets à touils (ou creachs de Buch) de Mestras, ont la maille de trois pouces six lignes en carré. Ces sortes de filets ne servent uniquement que dans le Bassin. Ceux qui font la pêche du Peugue n’en usent point pour leur pêche. Les trameaux dénommés leyraux ont la maille de l’armail ou des hameaux de trois pouces en carré et celles de la carte, toile, nappe ou ret du milieu n’ont seulement que quatorze lignes, aussi en carré. Les pêcheurs nomment ici ces rets des estoires dont le calibre des mailles tant de l’armail que de la carte sont bien différents de ces mêmes filets qui servent au pêcheurs des bourgs de La Teste et de Gujan à faire la pêche du Peugue. L’armail de ces filets pour la grande et la petite mer étant deux à trois fois plus grand que ne sont ces sortes d’estoires du fond de la baie.

Les tramails, trémiles et tramillons ont les mailles des hameaux ou de l’armail de cinq pouces cinq lignes en carré et celles de la nappe, toile, flue ou carte ont seu­lement onze lignes en carré. Les sardinières, rets ou aumaillades à sardines ont les mailles de huit lignes en carré parce que les sardines qui entrent dans la baie sont plus grosses que celles qui se pèchent aux côtes des Sables d’Olonne et de Breta­gne.

La drague aux huîtres avec bateaux ou pinasses est de même que nous les avons trouvé dans les autres lieux précédents,

Les pêcheurs de Mestras n’ont point de tente particulière de grand palet. Ils font aux bords de leurs achenaux et sur les platines du fond de la baie celle du palicot. Ce sont, comme nous l’avons dit, la même opération que font les tendeurs de basse-eau pour les bas parcs, courtines ou venetes à la seule différence que leurs pieux ou piquets qui forment la tente du palicot se placent toutes les marées et ne restent point sédentaires et stables sur les fonds comme ceux de ces autres petits pêcheurs.

Les mailles des rets qui servent à la tente du petit palet ou palicot que nous avons trouvé chez les pêcheurs de Mestras n’ont que huit lignes en carré et ne peuvent être plus abusives – et même d’autant plus que cette pêcherie ambulante se pratique pendant les chaleurs de l’été.

Nous avons ci-devant expliqué de quelle manière sont faites les houchines, houches, fouënnes ou fischures des pêcheurs de cette paroisse. Cet instrument des pêcheurs du quartier de Mestras sont les mêmes.

Les pêcheurs qui font la pêche du Peugue et ceux qui fréquentent les bords des grèves et les pieds des dunes de sable où ils viennent sécher leurs filets trouvent aussi à la côte quelquefois échoué sur le bord des grèves de l’ambre gris, comme nous l’avons ci-devant remarqué au procès-verbal rendu pour l’Amirauté de Bayonne.

PÊCHEURS À PIED DU TEICH ET DE BIGANOS

Après laquelle visite faite et avoir reçu des pêcheurs du lieu les mêmes plaintes et représentations que nous ont fait ci-devant les pêcheurs de La Teste sur les pré­tendus droits que le seigneur Captai de Buch exige d’eux et sur les produits de leurs pêches tant de la grande que de la petite mer, nous, Commissaire Inspecteur susdit, accompagné du dit sieur Taffart, suivi et guidé comme dessus, tournant toujours autour du bassin, sommes venus dans la paroisse du Teich. Les pêcheurs de cette paroisse n’ont chez eux aucun bateau ou pinasse pour faire la pêche à la petite mer. Ils n’y font que celle de la drague et pour cet effet ils louent des habitants de Mestras ou de Gujan les tilloles dont ils ont besoin pour la pêche des huîtres durant l’hiver. Ils voiturent par terre à Bordeaux et dans les villes et bourgs voisins les huîtres qu’ils y prennent à la drague et celles qui proviennent de leurs petites pêches à pied et sans bateaux. Ils n’ont au surplus aucun ret ni aucun autre instrument que ce soit pour faire la pêche.

De la paroisse du Teich, suivant toujours la baie d’Arcasson, allant au nord, nous sommes venus dans celle de Biganos dont les pêcheurs ne font que la pêche des huîtres et le même commerce que ceux du Teich. Ainsi les uns et les autres ne pratiquent la pêche que durant l’hiver.

CONSEILS AUX PÊCHEURS D’AUDENGE

De Biganos, suivant toujours notre route, accompagné et suivi comme ci-dessus, nous sommes venus dans le bourg et paroisse d’Audenge. Les pêcheurs de ce bourg n’ont point aussi à eux des tilloles ou pinasses pour faire la pêche dans la baie. Ils font, comme ceux des deux paroisses précédentes, les petites pêches du palicot et de la seine dans le bassin, c’est-à-dire aux bords des achenaux et des gorges, et pendant l’hiver et le carême, la pêche des huîtres à la drague. Les mailles des rets des palicots ont seulement neuf lignes en carré. Ce sont, com­me nous l’avons observé, les mêmes filets qui servent à faire la traîne ou la seine. Les mailles de ces derniers filets sont de deux sortes d’échantillons : les plus lar­ges que nous ayons trouvé dans la maison des pêcheurs ont dix lignes en carré et les plus serrées sont celles des rets à palicots n’ayant de même que neuf lignes. Les dragues aux huîtres ont leurs sacs tant en dessus que au-dessous formés de grosse ficelle, ce qui est cause qu’ils rendent fort peu de services. Si ces pêcheurs avaient l’intelligence de former de lanières de cuir le dessous de leur dreige com­me les pêcheurs de Normandie ou de Bretagne, ou du moins de garnir le dessous d’une nappe ou tablier de cuir de vache ou de cheval, ces dreiges dureraient bien davantage. Mais loin de prendre cette précaution, quand quelques uns de ces animaux meurent, ils en laissent perdre les peaux sans en faire aucun usage.

CERTES ET SES MASTONES

Du bourg d’Audenge, tournant toujours autour de la baie, nous sommes venus au hameau de Certes dépendant de la dite paroisse d’Audenge. Les pêcheurs de ce lieu ne sortent point du bassin pour faire la pêche qu’ils ne font qu’à la petite mer et ne vont jamais à la grande. Ils ont pour cet effet dix-neuf tilloles ou pinas­ses avec quoi ils font la pêche des layraux, de la drague, et de la seine avec ba­teaux, celles des houches ou fouënnes et des coquillages, à pied.

Les filets des leyraux n’ont au plus que deux pieds de hauteur. Ils sont flottés et plombés et restent sédentaires sur leurs fonds comme les bréteilères tramaillères. Les mailles de ces hameaux ont trois pouces neuf lignes en carré et celles de la carte, charte ou ret du milieu, ont treize lignes en carré.

La maille des seines ou traînes dans les achenaux du bassin est des plus serrées, n’ayant que huit à neuf lignes au plus. La grandeur du calibre de ce filet est assez semblable dans tous les lieux que nous avons visité ci-devant où l’on se sert de ces sortes de traînes dont l’usage est des plus nuisibles. Il faut remarquer que les mailles des seines qui nous ont été données ne nous ont été représentées que com­me des rets dont on ne faisait plus aucun usage, les officiers d’Amirauté ne s’étant point transporté dans aucun de ces lieux et n’étant seulement venu qu’au seul lieu de La Teste, ils n’ont pu y établir la police qui y convient en conformité de la déclaration du Roi du 23 avril 1726 et des ordres qu’ils ont reçu de la Cour en con­séquence.

Les pêcheurs de Certes font à la dreige la pêche des huîtres également comme cel­le des pétoncles. Ils font aussi l’une et l’autre pêche de ces deux sortes de coquil­lages à pied ainsi que des clovisses ou coutoires avec bêches ou houes et ils ont ainsi des houches, fouënnes ou fischures qui leur servent encore à se soutenir pour marcher sur les vases quand ils ont leurs mastones aux pieds. Les mastones sont de petites planchettes d’un pied au carré sur lesquelles il y a un petit rebord qui marque la forme du pied et pour le tenir plus ferme on y met en dessous deux petites barres en croix qui traversent d’un angle à l’autre. On affermit cet instrument sur le pied avec une courroie de cuir ou de corde à peu près comme les sauvages du Canada s’attachent sous les pieds leurs raquettes pour aller sur les neiges. Avec ces mastones les pêcheurs parcourent librement les fonds vaseux sans enfoncer. Ils se soutiennent avec leurs fouënnes qu’ils ont à la main.

 

LANTON À PIED ET EN PINASSES

Après laquelle visite faite à Certes, nous, Commissaire Inspecteur susdit, accom­pagné et suivi comme ci-dessus, sommes venus dans la paroisse de Lanton. Il y a à Lanton quinze pinasses ou tilloles pour faire pendant l’été la pêche à la petite mer, les pêcheurs du lieu n’ayant aucune chaloupe pour la pêche du peugue, qu’ils ne font point. Ils font dans le bassin la pêche du poisson frais et des huîtres Ils ont des folles ou martramaux, des petits trameaux de l’espèce des leyraux pour la pêche des plies, carrelets et soles durant l’été, des seines, des dragues, des hou­ches, houchines, fouënnes et fischures.

Les mailles des petits trameaux nommés leyraux ont celles des hameaux de deux sortes : les plus serrées n’ont que deux pouces et les plus larges deux pouces neuf lignes en carré. Ce sont de ces espèces de rets les plus petits que nous ayons trouvés jusqu’à présent. La charte, toile ou ret du milieu est aussi de deux sortes : les plus larges ont quatorze lignes et les plus serrées douze lignes seulement. Les folles ou martramaux qui sont faits d’un fort gros fil ont aussi la maille de deux différents échantillons : les plus larges ont sept pouces trois lignes en carré et les plus serrées ont sept pouces. En quoi ces rets sont au moins deux fois aussi grands que le calibre prescrit par l’ordonnance pour ces sortes de filets. La maille des seines ou traînes est semblable à celles des lieux précédents et sert seulement dans le bassin. Il s’en trouve de deux différentes grandeurs : les plus larges ont dix lignes en carré et les plus serrées neuf lignes seulement, aussi en carré.

Les houchines et les dragues aux huîtres sont les mêmes instruments que nous avons trouvés dans les lieux précédents. Les habitants riverains font aussi à pied durant les basses mers des grandes malines la pêche de toutes les espèces de coquillages qui croissent en abondance sur tous les fonds de cette baie.

Après laquelle visite finie nous, continuant toujours comme dit et notre route tirant au nord sommes venus sur la paroisse d’Andernos. Les pêcheurs du lieu ne faisant point dans la saison la pêche du Peugue n’ont aucune chaloupe de l’espèce de celles qui sont employées à cette pêche en mer. Ils ont pour faire les pêches du bassin ou de la petite mer dix-huit tilloles ou pinasses avec lesquelles les pêcheurs d’Andernos font dans la baie la pêche avec des leojones qu’ils nom­ment improprement estoires, la seine, le palicot, la drague aux huîtres et aux pétoncles et les houches, houchines ou fouënnes avec mastones sur les fonds vaseux.

Les mailles des trameaux leojones ont celles des hameaux ou de l’armail de deux sortes : les plus larges ont huit pouces six lignes en carré et les plus serrées six pouces six lignes seulement. Celles de la charte, carte ou ret du milieu, sont aussi de deux sortes de grandeur : les plus larges ont dix-huit lignes et les plus petites seize lignes seulement.

Les mailles des hameaux des leyraux pour faire la pêche que les habitants du tour de la baie nomment jagude sont de deux sortes : les plus larges ont trois pou­ces trois lignes en carré et les plus serrées seulement trois pouces et celles de la charte, carte ou flue sont aussi de deux sortes : les plus larges de quinze lignes en carré et les plus serrées de quatorze lignes, aussi en carré. Les mailles de petites seines ou traînes sont du même échantillon que celles des lieux précédents ayant depuis huit lignes jusqu’à onze lignes en carré. Les mailles des rets à palicots, qui sont aussi les mêmes filets des petites traînes qui servent dans les achenaux de la baie, sont de deux sortes : les plus larges ont dix lignes en carré et les plus serrées neuf lignes seulement. On fait dans cette paroisse la pêche de toutes sortes de coquillages.

Les pêches de tous ces lieux qui n’ont jamais été surveillés par les officiers d’Ami­rauté sont sans aucune police pour ce qui concerne le calibre des mailles des filets dont ils se servent. Ceux d’une même espèce sont la plupart différents en grandeur d’un lieu à l’autre, le pêcheur pour sa règle n’ayant eu autre chose que sa volonté et son caprice.

Et attendu que la déclaration du Roi du 23 avril 1726 n’a point été publiée dans aucune des paroisses qui sont depuis La Teste, ce défaut de formalité aurait rendu nulle en quelque manière la saisie qu’on aurait pu faire de ces sortes de filets défendus néanmoins par l’ordonnance de la marine mais qui ont été tolérés jusqu’à présent.

ARÈS AU FOND DU BASSIN

Après laquelle visite finie à Andernos, nous, Commissaire Inspecteur susdit, accompagné du dit sieur Taffart, suivi de Pierre Goujon, archer, et guidé du nom­mé Pierre Dubois, guide à cheval, continuant notre route, sommes venus à Ares dépendant de la paroisse d’Andernos.

Les pêcheurs du lieu ne font point aussi la pêche du Peugue mais seulement celle de la petite mer ou du bassin. Ils ont pour cela vingt-cinq tilloles ou pinasses. Tous les pêcheurs qui y servent ainsi que ceux des lieux ci-dit par nous visités sont classés et ne sont pas dans le cas de ces pêcheurs tendeurs de basse eau et pêcheurs de pied des provinces de Flandres, Picardie, et Normandie. Ils font avec leurs pinasses les pêches avec les rets nommés leojones, tramiles ou tramails et leyraux ou fausses estoires ainsi que celles de la seine ou traîne, de la drague aux huîtres et aux pétoncles et avec houchines ou fouënnes ainsi que la pêche à pied de toutes sortes de coquillages.

Les mailles des hameaux des leojones sont de deux sortes : les plus larges ont six pouces six lignes et six pouces en carré ; celles de la nappe, toile, flue ou carte sont aussi de deux diverses grandeurs : les plus grandes ont vingt et une lignes et les plus petites n’ont seulement que vingt lignes, aussi en carré. Les mailles des tramiles ou tramillons ont celles des hameaux ou de l’armail de cinq pouces sept lignes en carré et celles de la charte, carte ou ret du milieu sont de trois grandeurs différentes ayant quatorze, treize et douze lignes en carré. Ces sortes de trameaux sont les plus larges de cette espèce que nous ayons trou­vé jusqu’à présent.

Les trameaux que les pêcheurs nomment improprement estoires et qui sont de vrais leyraux quant aux hameaux n’ont que trois pouces seulement en carré. La charte, toile ou ret du milieu est du grand échantillon et de deux sortes de grandeur : les plus larges ont dix-huit lignes en carré et les plus serrées n’ont que quinze lignes seulement, aussi en carré. Tous ces rets sont plombés et n’ont au plus que deux pieds de hauteur.

Les mailles des traînes ou seines des pêcheurs d’Ares sont semblables à celles des seines qui servent à faire la pêche du hareng dans le Canal, ayant de même un pouce en carré.

On fait comme on vient de le dire la pêche des huîtres et des pétoncles à la drague avec bateau et à pied et celle des autres sortes de coquillages dont les pêcheurs font pendant l’hiver des envois par terre à Bordeaux outre ce qui se consomme sur les lieux et dans les villes et bourgs circonvoisins.

Tout le long de ces côtes même jusqu’à la côte du Verdon au-dessus de Soulac, on n’y voit presque aucun goémon ou varech et même les riverains qui en ont voulu faire quelque usage pour la culture de leurs terres et de leurs vignes n’y ont pas réussi. Et quand même ces sortes d’herbes marines auraient pu aprofiter leurs terres, les sables volages qui bordent ces côtes leur en dépouillent tout à fait.

LÈGE ET IGNAC EN BOUTS DU MONDE

Après laquelle visite à Arès où finit le tour du Bassin d’Arcasson, nous sommes venus dans la paroisse de Lège. Les pêcheurs de ce lieu ont neuf pinasses ou tilloles pour faire la pêche dans le bassin où ils vont seulement et non à la mer. Ils se servent de trameaux nommés leojones et de rets à palicots. Ils ont aussi des houches, fouënnes ou fischures mais ils ne font pas la pêche des huîtres à la drague avec bateau. Toutes celles que les pêcheurs prennent se cueillent à pied.

Les mailles des hameaux des leojones sont de deux sortes de grandeur : les plus larges ont six pouces six lignes en carré et les autres six pouces trois lignes seu­lement et celles de la carte, toile, nappe ou ret du milieu sont aussi de deux sor­tes : les plus larges ayant vingt et une ligne et les autres seulement dix-neuf lignes en carré.

Les mailles des seines qui sont les mêmes que celles des filets qui servent à la tente du palicot sont aussi de deux sortes de grandeur : les plus larges ont onze lignes en carré et les plus serrées n’en ont au plus que dix lignes. Outre ces sortes de filets, les pêcheurs, à ce qui nous a été attesté, en ont encore de plus larges maillons. Attendu que nous ne les avons pas trouvés dans leurs maisons et qu’il ne nous en a point été présenté d’autre, nous n’en faisons aucune mention. De Lège, après notre visite finie, nous, accompagnés, suivis et guidés par le nom­mé Jean Laborde, nous sommes venus à Ignac dépendant de la paroisse de Lège et où se trouve l’extrémité du Bassin d’Arcasson, venant du sud au nord, les pê­cheurs de ce lieu ont sept pinasses ou tilloles pour faire la pêche de la petite mer dans le bassin où ils se servent de leojones et font aussi autour des achenaux les tentes du petit palet ou du palicot. Ils se servent encore de fouënnes ou houches et houchines et font à pied la pêche des coquillages et des huîtres sans se servir de leurs pinasses pour cet usage, comme font les pêcheurs de la paroisse de Lège avec lesquels les pêcheurs d’Ignac font la pêche, étant ensemble confondus. Leurs petites pinasses sont seulement montées de deux ou trois hommes d’équipage comme nous l’avons remarqué de toutes ces sortes de petits bateaux faisant dans le bassin la pêche à la petite mer.

Les mailles des hameaux des trameaux leojones ont six pouces trois lignes en car­ré et celles de la carte, charte ou ret du milieu sont de deux sortes : les plus larges ont vingt lignes en carré et les plus serrées ont dix-neuf lignes, aussi en carré. Les mailles des rets à palicots n’ont que neuf lignes en carré. Tout le long de ces côtes, comme nous l’avons observé de celles qui bordent le bassin du lac d’Arcasson, il n’y a à proprement parler aucun riverain pêcheur de pied et tendeur de basse eau. Et même en avançant toujours à la bande du nord, les maisons se trouvent éloignées de la mer de près de deux lieues dont il y en a une lieu et demie au moins de sable qu’on ne peut traverser qu’avec beaucoup de peine, ce qui dégoûte la plupart des habitants d’aller faire la pêche à la mer.

Charles DANEY

 

Extrait du Bulletin de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch n° 13-14 des 3e et 4e trimestres 1977

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