Une saison chez Legallais (5 août – 15 août 1825)

UNE SAISON CHEZ LEGALLAIS

5 AOÛT – 15 AOÛT 1825

 

Ce manuscrit, intitulé Voyage à La Teste, 1825, authentifié par l’écriture et les références, est celui d’Edmond GÉRAUD, bourgeois de Bordeaux (lire l’éditorial du Bulletin n° 143 de la SHAA –1er trim. 2010). En août 1825, il se rend avec son beau-frère Hypolitte GROSSARD (Monsieur Hypolitte) à La Teste. Ils vont tous deux retrouver : l’auteur, sa belle-mère, sa femme et sa fille, son beau-frère, sa femme, tous installés à l’établissement Legallais où la jeune Élodie se remet d’une coqueluche.

 

Singula quaeque notando (Horace)

 

Voyage à La Teste, 5 août au soir.

Départ avec Mr Hypolitte, vers 5 heures du soir, dans une voiture de la rue Judaïque, vis à vis l’hôtel d’Augeard. Notre postillon, propriétaire des chevaux et de la voiture, était un beau diseur, plein de présomption et qui me déplut dès le premier coup d’oeil. Je prévis que nous aurions quelque petit désagrément avec ce gaillard là, et je ne me trompais pas. Qu’on ne me parle point de ces gens qui se croyent toujours au-dessus de leur profession. Maladie de l’époque, qui a atteint toutes les classes de la société, mais surtout les classes inférieures. C’est encore un des fruits de notre admirable révolution. Notre mécontent qui avait un frère avocat, à ce qu’il nous dit, avait fait la guerre en Espagne sous Buonaparte, et ne manquait point de genre d’esprit particulier à mes chers compatriotes. Mais il voulait avoir un avis sur tout, se mêlait très familièrement de tous nos entretiens, et toujours suivant l’usage du pais, pour être d’une autre opinion que nous : ce qui m’aurait peu importé, si d’ailleurs il nous avait mené bon train. Malheureusement toujours attentif à ménager ses chevaux, il ne nous fît arriver à la Croix d’Ains1,que vers neuf ou dix heures du soir, mauvaise petite auberge où s’arrêtent les poissonniers pour laisser un peu reposer leurs chevaux. Là, nous trouvâmes pour toute société quelques pêcheurs de La Tes­te, revenant du Marché de Bordeaux, trois garçons chapeliers se rendant de leur pied2 et par partie de plaisir au bassin d’Arcachon, et l’avocat Fo… pérorant sans cesse au milieu de tout ce monde, de peur d’en perdre l’habitude. Ainsi que nous l’avait recommandé le postillon qui feignait toujours beaucoup d’activité, nous nous jettâmes sur nos lits tout habillés, pour être plutôt prêts au moment du départ : et pourtant, malgré toutes nos réclamations, malgré toutes nos instances pour stimuler sa lenteur, ce ne fut que vers 3 heures de la nuit, que nous pûmes nous remettre en route.

Au lever du jour, longue forêt de pins qui borde la route de La Teste jusqu’à certain petit village dont j’ai oublié le nom. Mr Hypolitte et moi, ennuyés d’aller si lentement, mettons pied à terre, et cheminons au loin devant la voiture. Le postillon, endormi, laisse descendre ses chevaux dans un fossé profond qui bordait la route, et l’essieu de la voiture se démonte. Il nous appelle à son aide, et avec le secours de quelques païsans du voisinage, nous parvenons à remettre ce fameux charriot en état d’avancer. Plus loin, après avoir traversé a gué la petite rivière d’Ayre3, et la vilaine route si étroite qui se trouve ensuite, au milieu des bois les plus sauvages, nous arrivons au petit village du Their4, puis a celui de Cujan5, c’est à la sortie de ce dernier village, en approchant de Lateste, dans un endroit où l’on travaillait à la route, que notre beau diseur de postillon, ayant laissé ses cheveux s’embarasser dans des troncs d’arbres, nouvellement coupés, la roue monta sur ces débris et Patatra. Voilà la voiture violemment renversée dans un fossé. Fort heureusement, nous ne nous fîmes aucun mal, dans cette chute. Je craignais seulement qu’une bouteille de vin mal bouchée ne se répandit sur nous, mais il n’en fut rien, et Mr Hypolitte en fut quitte pour une petite bosse au front ; accident de fort mauvais présage, disait-il lui-même en plaisantant, quand on retourne voir sa femme. À cela près, tout se passa le mieux du monde. Des gens qui travaillaient là proche, comme dit quelque part défunt Chapelle6, les ouvriers de la route, vinrent nous aider à sortir de la voiture, et la relevèrent ensuite. Nous leur fîmes largesse de nos bouteilles de vin et d’une volaille froide qui nous restait encore. Enfin nous n’arrivâmes à Lateste, grâce à l’indolence et aux continuelles bévues de notre malencontreux postillon que vers 10 heures et demie. Il nous fallut une heure encore pour nous rendre de La Teste jusqu’à l’établissement des bains de Mr Le Gallais, à travers une plaine coupée de marais et les bois de pins qui couvrent une espèce de dune qu’il nous fallut franchir.

Au revers de cette dune7, nous apparut enfin le beau bassin d’Arcachon et l’établissement désiré. La fatigue de cette longue route, notre chute peut-être, mais surtout l’insomnie de la nuit précédente, m’avait donné une sorte d’étourdissement nerveux dans la tête, dont la vue de ma femme et de ma chère petite commence à me guérir. Sans perdre un moment, mon beau-frère et moi, courons prendre un premier bain, qui achève de nous remettre ; et nous revenons jouir des douceurs d’une réunion dont nous étions privés depuis une douzaine de jours.

Un bon diner où abondait le poisson le plus frais et le plus savoureux nous est présenté par Mr Le Gallais, ancien capitaine de vaisseau, homme du caractère le plus prévenant et le plus affable. Là, se trouvait avec ma famille, composée de Mme Boërau, de Mr et Mme Hypolitte Grossard, de Pauline et d’Élodie, deux dames de notre connaissance, Madame Senègre et Madame Didier Senègre, sa belle-sœur. Après le dîner, nous montons tous au second étage du pavillon, où nous jouons au billard avec ces dames.

Le lendemain, Dimanche 7 août, après une fort douce nuit qui n’a été troublée que par quelques crises de coqueluche qui tourmentent de tems en tems notre pauvre Élodie, mais qui ne l’ont point empêchée néanmoins d’engraisser déjà d’une manière très sensible, nous allons avec les dames Senègre visite le bassin d’Arcachon et sa fameu­se chapelle qui se trouve à peu de distance de la maison des bains. Une barque du pais, aux flancs étroits, et au bec recourbé, comme les pirogues d’Otaïty8 nous y porte en peu de temps. L’odeur particulière à l’eau de mer, celle de ces bois résineux qui entourent le Bassin, l’aspect de ce bassin lui-même qui réfléchit, en le rembrunissant, l’azur éclatant du ciel, ces marsouins qui arrivent de la haute mer avec la marée montante, et qui font à chaque instant sur les flots de si plaisantes culbutes, tout contribue à me rendre ce petit voyage délicieux, par toutes les sensations nouvelles que je reçois. Il y avait longtems que des impressions si vives n’étaient venues m’assaillir. Il me semble aussi qu’elles retrempent et rajeunissent mon imagination.

Le chemin sablonneux qui conduit à la Chapelle était bordé sur les deux côtés de bestiaux paisiblement accroupis derrière des rideaux de pins et d’arbousiers. Je portai Élodie dans mes bras, et lui fesais remarquer l’air étonné, mais tranquille de ces vaches et de ces taureaux, qui, suivant l’usage du païs, portent tous, suspendue à leur cou, une énorme cloche de cuivre battu dont le son aide à les faire retrouver au milieu des vastes forêts, où ces animaux s’égarent en pleine liberté. Nous montâmes l’escalier de pierre qui termine l’avenue, et conduit à la chapelle. Ce ne fut pas sans faire attention aux cabanes qui sont bâties à l’entour, et dans lesquelles nous dit Mr Le Gallais, à l’époque de la fête locale, viennent s’établir en foule des marchands de vin et de comestibles. Cette fête a lieu, chaque année, le 25 du mois de mars, cette fête attire une population inonbrable, de tous les points de la côte et même de l’intérieur des terres. Les offrandes qu’on apporte ce jour là à la chapelle, les présens dont on fait hommage à la bonne Notre-Dame d’Arcachon, fournissent seuls à l’entretien de cette église, et au salaire du curé, qui y vient dire la messe depuis La Teste. Car, l’hermite qui jadis habitait toujours auprès, n’y est plus maintenant. Nous avons seulement vu son logement à la droite de l’église. C’est aussi du même côté que je remarquai un os de baleine énorme, qu’on a planté dans le sable, et que je pris d’abord pour un débris de bâtiment sur lequel peut-être quelque marin s’était sauvé. On me dit que cet os de baleine avait été jeté à la côte, et qu’on l’avait déposé là en manière d’offrande.

L’intérieur de cette chapelle où se rendent tous les pêcheurs du bassin d’Arcachon me parut décoré dans un goût bisarre, mais qui ne laisse pas de produire de l’effet. La voûte est tapissée de fleurs et de quelques tableaux, assez grossièrement peints, mais avec des couleurs très vives, parmi lesquelles se trouvent beaucoup de dorures. Des lampes d’argent y sont suspendues, mais grâce aux moeurs d’un pais, où l’on ne connait guère ni clefs ni verroux, bien que cette chapelle s’élève au milieu des bois et sur un bord souvent désert, jamais elle n’a été volée, jamais personne n’y porta une main, ni une pensée sacrilège.

Quelques ex-voto représentant des vaisseaux en péril se voient encore le long des murs. Mais aucun de ces pauvres tableaux ne remonte à un siècle révolu : le plus ancien date de 95 ans à peu près. Il ne s’en trouve point non plus d’une époque récente, car la pieuse coutume des voeux, faits pendant la tempête, s’est perdue aussi parmi les matelots, et j’avoue que j’en ai du regret. Élodie remarqua des œufs9 d’autruche suspendus au milieu du choeur, avec de petits navires artistement façonnés. Là, étaient aussi, près de la porte, les crosses d’un malheureux estropié, venu en pèlerinage dans cette chapelle, et que Notre-Dame d’Arcachon avait renvoyé guéri. Beaucoup de noms étaient écrits de toutes parts sur les murs du champêtre édifice. Une horloge solaire occupe le milieu de la place qui règne autour de l’église. Quelques chaumières de résiniers se font appercevoir dans le voisinage, et une croix de bois rouge termine l’avenue, par laquelle nous étions arrivés. Cette croix élevée au bord des flots, et sur un monticule de sable, me rappelle d’abord celle dont j’ai parlé dans mon élégie de la chapelle du rivage.

En descendant le large escalier dont j’ai déjà mention, et que les marins montent souvent à genoux dans leurs dévotions, nous nous arrêtâmes un moment à côté d’un puits, devant une grande caisse, où l’on porte la résine. De cette caisse coule naturellement à travers les planches une liqueur très épaisse et très odorante qu’on appelle communément la térébenthine au soleil. C’est la meilleure et la plus estimée, on la reçoit dans de grands vases de bois de pins, creusés à cet effet.

Nous revînmes dîner à l’établissement, et le soir nous montâmes tous ensemble sur la petite colline qui s’élève, à 20 pas, derrière la maison, et qui est aussi couverte de pins et d’arbousiers10. Là, nous vîmes tous les procédés employés par les résiniers, et surtout les singulières échelles11 si portatives dont ils se servent pour aller couper l’écorce des pins à une certaine hauteur. Le bassin apperçu du sommet de la colline et par quelques allées pratiquées dans le fourré du bois, offre un aspect sombre et mélancolique qui me charme toujours davantage.

Pendant les différens bains que Mr Hypolitte s’est hâté de prendre, il m’a montré comment on nageait dans différentes attitudes que je n’avais jamais pu parvenir à prendre ; et soit que le fonds uni de ce bassin m’inspirât une plus grande sécurité, soit que l’eau de la mer soutienne mieux le nageur, soit enfin que ces leçons me fussent très profitables, je réussis presqu’aussitôt à nager sur le dos, et même à avancer aussi assez rapidement.

Pendant ce tems, ces dames se baignaient à quelques pas de nous, enveloppées dans de grandes robes de coton ou de laine faites exprès, et sur un sable si doux, si pur et si fin qu’on se croirait assis sur du velours. L’eau, verte comme fine émeraude, laisse appercevoir sur le fond une foule de coquillages, d’huîtres et de crabes qui filent devant vous pour se sauver de tems en tems, passent des nacelles de pêcheurs qui dansent sur les lames, ou des marsouins qui s’élancent et retombent en fesant la roue. Au sortir delà, on apporte à table le plus vigoureux appétit, et les royans12 qu’on a vu prendre à cent pas en avant dans le bassin, tombent du filet sur le gril pour vous être servis l’instant d’après.

C’est avec un très vif regret que mon beau-frère s’est vu forcé de quitter cette tant douce vie ; mais le soir, après avoir joué avec moi une partie d’échecs que, par parenthèse, il me gagna, il fallut songer au départ ; car les affaires et le bureau d’assurances le rappellaient impérieusement à Bordeaux. Quant à nous, qui sommes assez heureux, pour n’avoir aucune obligation ni aucune chaîne de ce genre, nous délibérons de rester, et nous décidons Mme Boërau à nous attendre. Pauline écrit en conséquence à Mr Boërau, et Hypolitte nous quitte, emmenant avec lui sa femme et la bonne d’Élodie, dont nous n’avons plus besoin ici.

 

8 août 1825.

Ce fut le jour suivant qu’après le bain, ma belle-mère, Élodie et de petits jeunes garçons qui sont, comme nous, pensionnaires de Mr Le Galais, imaginâmes de suivre le bord de la plage, à la marée descendante, pour ramener des coquillages. Nous nous mîmes tous en route, les pieds nuds, en retroussant jupes et pantalons. Là, je rencontrai une foule de petits objets qui m’intéressèrent d’autant plus vivement que je les voyais pour la première fois près de l’élément qui leur donna naissance, tandis que jusqu’à ce jour, je ne les avais apperçus que dans les conchiologies ou dans les cabinets d’histoire naturelle : les étoiles de mer, les crabes enfoncés dans le sable et se dressant au moindre bruit, en fesant jouer leurs tenailles, ces espèces d’animaux végétans, ou de plantes marines en forme de houpes qui disparaissent dans le sol au moindre attouchement, les hypocampes ou petits chevaux de mer, couchés dans le goémon, et surtout ces manches de couteau13, habités par un animal qui se réfugie avec sa gaine à un demi-pied de profondeur dans le sable humide. Nous revenons au logis apportant dans un panier notre petit butin, qui nous remplit de joie. Élodie veut tout apporter à Bordeaux pour en donner, dit-elle, à ses petites amies. L’air de ce païs-ci, l’exercice continuel que fait cet enfant lui ont donné des couleurs et un embonpoint que nous lui avions jamais vus même à Belle-allée14. Pauline aussi se porte mieux ; car chacun se trouve ici un appétit et des forces qu’il faut sans doute attribuer à l’efficacité de ces bains de mer.

Mr Le Gallais est à la fois un homme plein de politesse, de prévenance, et un génie actif, que les difficultés semblent animer. Son établissement réunit tout ce qui peut rendre la vie aimable et douce. On y est logé fort élégamment ; du linge d’une grande beauté, beaucoup d’argenterie, et une table aussi délicatement qu’abondamment servie. La route détestable qui conduit ici est un grand obstacle à ses succès : il n’y a point encore de service régulier de voiture, établi de Bordeaux à La Teste ; et cela seul éloigne beaucoup de gens qui désireraient venir prendre des bains dans ce magnifique bassin d’Arcachon. Cependant Mr le Galais qui a un grand esprit de suite et de persévérance, lutte et se roidit contre toutes ces contrariétés, bien sûr que dès que les avantages que présente son établissement seront plus connus, il fera tomber la mode des bains de Royan, lesquels n’ont après tout qu’une seule chose en leur faveur, je veux dire la facilité du voyage par les bateaux à vapeur. C’est ce que sent fort bien Mr le Gallais, malgré l’opposition décourageante qu’il trouve dans ses amis, dans ses parens, et peut-être même dans sa propre femme. S’il peut parvenir à établir des moyens de transports qui rendent le chemin moins Long et moins embarassant pour les voyageurs, dans quelques années il aura tout le monde ; et l’extrême obligeance de son caractère que relève encore un noble désintéressement, n’aura pas peu contribué sans doute à lui mériter cette vogue qu’il mérite d’obtenir sous tous les rapports.

Parle-t-on d’aller quelque part ? Mr le Gallais est toujours prêt à vous conduire. Il fait un signe et les rames sont prêtes et la voile est tendue. Désire-t-on un mets, un ragoût particulier, rien est épargné pour vous le procurer à l’instant, ou le lendemain au plus tard. Tous les pêcheurs de la côte lui sont connus : à son premier cri, les soles tombent toutes vivantes dans la poêle, et les meilleurs coquillages s’engraissent sur les bords qui lui appartiennent.

 

9 août 1825.

Hier encore, il a fait espalmer15 une jolie chaloupe qui est toujours à l’ancre sur la plage où l’on se baigne : deux marins des plus expérimentés l’ont montée avec lui, et nous sommes tous partis ensemble pour aller voir la mer, après le Cap Ferret, du côté de la passe, où périt en 1811 la corvette L’Isle de Rhé (voyez le voyage de Mr St Amand dans ces contrées). Ces dames étaient fort gaies, Pauline chantait toutes les chansons qu’elle sait et Mme Senègre fesait des seconds dessus16. J’étais à la proue de la barque, avec Élodie, que je tenais sur mes genoux, et à qui je fesais tout remarquer en lui expliquant chaque chose ; nous avions cependant ce que les marins appellent vent debout. Aussi nous fallait-il louvoyer, changer les amures à chaque instant, et malgré tout nous avancions fort peu, allant sans cesse d’un bord à l’autre, et souvent enfonçant notre quille dans le sable du rivage sur lequel nous arrivions. Les flots du bassin étaient un peu agités, et quoiqu’il n’y eut aucune sorte de danger avec un habile capitaine de vaisseau, père de famille, homme très prudent, et qui avait lui-même sa femme à bord, nos dames cependant n’étaient pas très rassurées. Bientôt la pauvre Mme Senègre qui, depuis un moment, était fort pâle, commença à vomir avec de longs efforts. Je m’appitoyais bien sincèrement sur ses souffrances, tandis que Mme Boërau et Mme Legallais riaient de tout leur pouvoir et de tout leur appétit. Une fois ou deux, la barque, en franchissant certains bancs de sable, se rapprocha tellement de la côte opposée, que je pus montrer et expliquer à Élodie, qui est un peu comme moi, et qui déjà s’intéresse à tout, les semis de pins dont on a couvert les dunes. Je lui fis remarquer aussi certaines dunes jaunes, qui sont encore sans défense contre le vent de la mer, et qui d’un moment à l’autre, peuvent être emportées plus loin, dans le bassin, ou dans une autre direction. Après avoir encore louvoyé quelque tems, nous suivîmes, le long de la côte, le courant d’un chenal assez profond qui nous porta très rapidement à la pointe du Ferret. Là, nous mîmes tous pied à terre, et nous dirigeâmes vers la mer dont nous entendions le bruit effrayant. Un sable chargé de débris de coquilles nous présentait à chaque instant de nouvelles curiosités dont nous remplissions nos mains et nos poches. En passant près de quelques cabanes de pêcheurs, nous ramassâmes de petits goélands desséchés, avec toutes leurs plumes. Plus loin, nous vîmes étendues sur la plage, des espèces de raies à longues queues qui se débattaient et qui venaient d’être prises. Mr Legallais et moi qui marchions en tête de la colonne, apperçumes la mer des premiers. Ses vagues brillaient au soleil comme des lames d’argent et sur notre droite, régnait un long banc de sable qui s’étendait en avant, semblait comme une barrière, où la mer venait se briser avec une sorte de fureur, quoique d’ailleurs le tems fut assez calme. Ces dames arrivèrent toutes enfin avec Élodie, que j’amenais au devant de la lame, et qui en se retirant fut mouillée jusqu’au dessus des reins, ce qui nous fit beaucoup rire. Bientôt désireux de m’approcher de l’endroit où la lame déferlait avec tant de bruit et d’écume, Mr Legallais et moi, nous avançâmes au loin vers le banc de la droite, tandis que ces dames fatiguées se reposaient avec l’enfant, super funiculum maris17.

Chemin fesant, je remarquais des plantes fort curieuses que la mer jette sur ses rivages, elles semblent, dans leur feuillage découpé d’une façon régulière mais pourtant très élégante, avoir la consistance et l’élasticité du cuir. Des grains ou tubercules s’y rencontrent ça et là, qu’on croirait de gomme élastique, tant ils sont durs. Ainsi toutes les végétations de la mer semblent destinées d’avance à résister aux fureurs de cet élément terrible.

Je ramassais aussi des gommes transparentes et limpides, comme du cristal de roche. On m’assura que c’était une substance animée ; mais je crois que c’était le frai de certains poissons. Au reste, jamais je ne me suis trouvé plus ignorant, plus petit, plus nul, qu’en présence de la mer. A chaque instant, je m’écriai, comme Bossuet : Oh ! Que je ne suis rien. Combien j’aurais donné de me trouver là, avec un de ces hommes doués d’une vaste instruction et d’une mémoire puissante, avec un de ces nomenclateurs comme Paris en possède, qui m’aurait tout appris, tout enseigné, tout expliqué. Moi, pauvre poète, je ne sais que recevoir des impressions, et me pénétrer de la majesté de la nature. Souvenir que je ne puis m’empêcher de donner à Lord Byron, dont les poésies ont une couleur ou si j’ose dire une odeur de mer, qui me charme.

En revenant rejoindre nos dames, que l’appétit d’Élodie avait obligé de se rapprocher de la chaloupe, nous entrons dans une cabane de pêcheurs qui étaient occupés à préparer leur repas. La forme extérieure de cette cabane, où ces gens là habitent toute l’année, est absolument celle d’une carène de bâtiment renversé (18). Chacun soignait son pot au feu, où ils mettent des morceaux de poissons, des coquillages, de l’eau douce et un morceau de lard. De grandes coquilles d’huîtres appelées Varennes, et qu’ils ajustent au bout d’un bâton, leur servent de cuillers à pot. Ces hommes ne reviennent à La Teste, qu’une fois par semaine, le samedi, pour voir leurs femmes, avec lesquelles ils passent la journée du dimanche. Puis, ils s’en retournent au milieu de leurs dunes. Leur vie n’est égayée que par les histoires qu’ils se font entr’eux, les traditions du païs, ou les accidents et les naufrages de mer. Quelques uns vendent aux autres du vin et de l’eau de vie. Rangés autour de leur feu, au milieu de leur cabane, ils passent les longues soirées d’hiver à jouer aux cartes ; puis, ils vont se coucher dans des lits rangés par étages, le long de la cabane, comme les cadres d’un vaisseau. Pendant que nous étions tous là, occupés à les questionner, ils apprêtaient leur cuisine, et rapportaient à terre leurs filets chargés de poissons. Des puits creusés dans le sable leur donnent d’assez bonne eau, qu’ils conservent au moyen de barriques mises debout les unes au dessus des autres. Au moment où nous nous rembarquions, ils nous donnèrent beaucoup de coquillages, seules richesses du sol ; un lapin qui cherchait sa vie dans ces pauvres dunes fut apperçu de ces braves gens : aussitôt toute la tribu s’élance et l’entoure avec de grands cris. Le malheureux lapin qui sans doute avait beaucoup de peine à courir dans ces sables si mobiles, fut bientôt saisi, et devint la proie de ces hommes dont le poisson est la seule nourriture. Qu’on juge du régal et de l’empressement avec lequel on dut le mettre au pot.

Les moeurs de cette population de pêcheurs, de bergers et de résiniers, sont en général innocentes et tranquilles. Un vol est ici la chose la plus rare. Ils m’ont rappelé les peintures de Walter Scott dans son roman de L’antiquaire.

Nous revîmes assez rapidement vers l’établissement de Mr Le Gallais, poussés par le vent et la marée montante.

Le lendemain, 9 août, fut marqué par une pêche aux royans, qu’Élodie, Mr Le Gallais et moi allâmes voir faire à 50 pas en avant dans le bassin, vis à vis le rivage où nous nous baignons. La barque qui nous portait, flottait légèrement à côté de celle du pêcheur dont nous suivions à notre aise tous les mouvemens. De tems en tems, il jetait dans le circuit formé par ses filets un appât qui n’est autre que les oeufs d’un autre poisson19, dont les royans sont très avides. Bientôt, il leva son filet ; et je ne puis dire mon étonnement de voir la quantité inombrable de ces petits poissons qui s’y trouvaient attachés par la tête. On m’assura qu’ils mouraient aussitôt qu’ils étaient touchés par le filet, tant leur organisation est délicate ; j’en vis cependant plusieurs qui frétillaient encore comme autant de petites lames d’argent, couleur qui contrastait bien agréablement avec le verd foncé des flots d’où on les retirait.

En replaçant ses filets dans sa barque, le pêcheur trouva un hypocampe ou petit cheval marin, grand comme le doigt. Il allait le rejeter à l’eau. Je le lui demandai, et je parvins à le conserver vivant jusqu’à terre, d’où le vent contraire nous éloignait. Arrivé, je m’empressai de le mettre dans un vase plein d’eau de mer, avec le projet de l’emporter, si je puis, vivant jusqu’à Bordeaux. Ce petit animal a tant de grâce dans tous ses mouvemens, son encolure rappelle si bien celle du cheval, que je m’étonne qu’on ne le préfère pas à ces petits poissons rouges qu’on entretient dans ces vases de cristal, sur la cheminée de nos salions. A la vérité, il ne vit que dans l’eau de mer, et l’on ne peut s’en procurer partout.

La soirée de ce jour fut marqué par un orage accompagné d’une forte pluie. Des marsouins passèrent sous nos croisées à la chute du jour. Au moment où je me couchai avec ma chère Pauline, la mer, et la forêt de pins qui s’élève à 20 pas, derrière nos cellules, fesaient entendre des mugissements sourds qui me rappellèrent d’abord les vers de Tibulle et de Virgile, et qui me bercèrent délicieusement toute la nuit.

Neptunum procul e terra spectare furentem (Horace)

Venientis sibilus austri (V)

Cunctae profundum pontum aspectabant flentes (V)

Strident silvae (V)

Tecum vivere amem, tecum obeam libens.

Imbre juvante…20

 

10 Août 1825.

La coqueluche d’Élodie n’est presque plus rien. Elle se porte comme jamais elle n’avait fait encore. Ce matin, nous sommes allés ensemble, appelés par M. Legallais, jusque sur le rivage où un pêcheur nous a vendu des soles toute vivantes. M. Legallais a laissé les plus belles prisonnières dans un panier qu’il a mis au fond de l’eau avec une bouée pour en reconnaître la place. Les autres ont été emportées avec d’énormes barbeaux pour notre déjeuner. J’ai pris moi-même dans cette barque une araignée de mer que je conserve de même que mon hypocampe.

Toujours attentif à varier nos plaisirs, M. Legallais me propose d’aller visiter l’établissement du Mouil21 et les cabanes de pêcheurs élevées tout autour. Nous le suivons, un jeune Landais et moi. Dans la visite que nous fîmes à la première cabane, nous trouvâmes sur leurs cadres ces hommes qui avaient travaillé toute la nuit. Un d’eux me donna un oursin, espèce de coquillage très curieux et dont on fait des sabliers. Je causai un moment avec ces hommes dont la vie est si dure et la physionomie en général si douce. M. Legallais leur proposa de venir dans l’après-midi jeter leur seine22 devant nous. Avant de quitter le mouil nous voulûmes, le jeune landais et moi, aller voir la maison des bains23 qu’habitent ces dames de Bordeaux qui, l’autre jour, sont venues elles-mêmes visiter nos cellules. Mais là, personne ne nous ayant fait accueil, nous n’osons pas entrer et nous nous contentons de tourner autour de la maison, laquelle nous semble moins bien située que celle de M. Legallais. Les barques de pêcheurs, leurs filets, leurs cabanes sont à côté en sorte que la pudeur des baigneuses doit avoir souvent à souffrir du voisinage de ces bons matelots. J’ai remarqué, avant de quitter cette partie de la côte, des figuiers dont les branches croisées en tout sens forment une voûte impénétrable. Cette voûte est supportée par de nombreuses tiges plantées en rond si bien qu’en été on est là comme sous une tente.

Vers deux heures, après avoir pris le bain d’usage, nous voyons arriver nos pêcheurs, ainsi qu’ils nous l’avaient promis. Nous courons tous vers eux, apportant le bain de pieds d’Élodie où nous nous proposons de mettre le poisson qu’ils vont prendre. En arrivant sur la pointe de sable où les matelots tiennent déjà un des bouts de la seine tandis que d’autres dans la barque font décrire au filet un grand circuit, je poursuis et saisis à deux reprises un joli petit poisson qui avait je ne sais quoi de noir sur le dos et qui de 5 pas en 5 pas allait se cachant dans le sable. Je l’attrape enfin et le mets des premiers dans notre petit bassin de fer blanc. Les pêcheurs qui le voient s’étonnent et demandent comment il se trouve là. Je leur dis que c’est moi qui l’ai pris avec la main. A les entendre je suis bien heureux de n’en avoir pas été piqué : ce que je ne sais quoi de noir que j’avais vu sur son dos est une espèce de dard qui a cette forme , à peu près. On appelle ce poisson la vive et sa piqûre donne un accès de fièvre et des langueurs d’estomac. Les pêcheurs prétendent que l’on souffre jusqu’au retour de la marée suivante. M. Legallais s’empressa de le couper en deux et de lui arracher son dard. Il en fit autant à une espèce de raie24 que l’on prit bientôt après dans la seine et dont la queue est armée aussi d’un dard barbelé et très acéré. Le même coup de seine amena sous nos yeux une foule de poissons et de coquillages dont l’aspect neuf et varié m’amusa beaucoup. Des anguilles, des poissons longs et menus comme des serpens, des soles, des rougets, des mules remplirent bientôt le baquet où chacun s’empressait de les déposer. Mais ce qui nous frappa plus que tout le reste, ce fut un grondin auquel nous fumes très étonnés de voir des ailes azurées et diaprées comme celles du papillon. Nous en avions tant mangé jusqu’ici sans nous douter le moins du monde que leurs nageoires offrissent de si belles couleurs, tant il est vrai que pour bien connaître les gens il faut surtout les voir chez eux. Le second coup de seine nous apporta les mêmes richesses et tout ce butin si frétillant fut déposé sous la galerie de l’établissement dans des baquets pleins d’eau de mer.

Le soir, les pêcheurs revinrent nous donner encor le même spectacle. Pendant que nous étions tous occupés à tirer la seine, des marsouins, attirés par tout le poisson que nous allions leur enlever, parurent derrière le filet et rodèrent quelque tems à l’entour, allant deux à deux, comme des moines. Ces rivaux de pêche ne semblaient nullement effrayés de nos cris. Élodie remit elle-même aux pêcheurs l’argent que nous voulions leur donner pour les récompenser du vif plaisir qu’ils nous avaient procuré puis nous remontâmes au logis pour lire les lettres que nous avions reçues de Bordeaux. Celle de Gergorès me fit regretter encore plus vivement qu’il n’eut pu nous suivre ici. Avec la simplicité de ses goûts et la naïveté de son caractère, qu’il aurait bien partagé les plaisirs et la douce vie que nous ménage le Bassin d’Arcachon !

Demain, 11 août, nous irons je crois à la chapelle où la jeune madame Didier Senègre veut faire dire une messe pour obtenir la faveur désirée de devenir enceinte. Jeunesse, fraîcheur, beauté, elle a tout pour elle. Il ne lui manque, comme à bien d’autres, qu’un enfant, qu’un petit enfant, pour être heureuse. Voyons si la bonne sainte Notre-Dame-d’Arcachon sera touchée de nos prières ; car nous voulons tous unir nos voeux aux siens dans cette occasion.

 

11 août 1825.

L’heure trop matinale nous empêche aujourd’hui, comme nous en avions le projet, d’accompagner ces dames à la chapelle. Elles y vont seules avec Mme Boërau. J’écris à ma mère pendant ce tems là et lui témoigne tout mon regret de ne pas l’avoir ici avec nous, occupée uniquement à manger des huîtres fraîches comme le bain où nous nous plongeons deux fois par jour. On respire ici en effet un air si pur, les promenades que nous fesons sur ce magnifique bassin d’Arcachon nous donnent tant d’appétit et d’élasticité qu’il me semble vraiment qu’on y doit devenir centenaire. Mais si le corps y est agréablement exercé, l’esprit et l’imagination n’y sont pas moins constamment tenus en haleine par tous les objets curieux qui s’y présentent en foule. Pour moi, je ne cesse de remplir mes mains et mes poches de tous ces petits phénomènes et de questionner les vieux marins au milieu desquels nous vivons. « Figure toi, disais-je à ma mère, qu’il n’y a point ici de place pour l’ennui. L’établissement qui reçoit les baigneurs est très agréable, posé dans une situation charmante et parfaitement bien meublé. On est tout surpris de trouver tant de luxe et d’élégance au milieu de ces dunes presque désertes et sur les bords d’un bassin qui n’est guère peuplé que de pauvres matelots.

… La Notre-Dame de la chapelle d’Arcachon est bien puissante, je le crois, mais les bains de mer, mais la douce vie qu’on mène ici, ne le sont pas moins pour faire faire des enfans. Puisse donc Pauline réparer ici l’échec si malheureusement éprouvé le printemps dernier ! Elle et sa fille ont pris un air de santé dont tu ne pourras manquer d’être frappée, j’en suis sûr ».

 

Parmi les poissons que nous apporta hier cette pêche qui nous a tant divertis, j’ai oublié de parler de la sèche25 et d’un autre animal fort étrange qu’on appelle ici pisse-vinaigre26 parce qu’au moment où on le touche, il laisse échapper en abondance une liqueur qui en a en effet la couleur et le mordant du vinaigre. La forme de ce poisson rappelle un peu celle de la raie ; il est de couleur rousse et semble se laisser rouler au flot qui, à la marée montante, le jette toujours sur le rivage. L’autre, la sèche, est recouverte comme la tortue d’une longue écaille blanche, friable, spongieuse, formée de couches onduleuses et superposées. Les orfèvres se servent, je crois, de cette écaille pour nétoyer l’argenterie. Il a des pattes glaireuses et transparentes avec lesquelles il attire sa proie vers la bouche, laquelle est armée de petites dents qui ressemblent exactement au bec d’un perroquet. Pauline en fut mordue bien serré. Mais la principale défense de ce singulier habitant des humides royaumes, c’est encore une liqueur, noire comme l’encre, qu’il répand dès qu’il se sent pressé ou poursuivi de manière à dérober sa trace. Cette liqueur jaillit assez loin pour tacher le visage et les habits. Les pêcheurs qui prétendent que dans ce que fournit la mer tout est bon à manger font des ragoûts de ce poisson qu’ils apprêtent dans une sauce noire comme celle des Spartiates, avec beaucoup d’ail et de vinaigre. J’en ai voulu goûter, mais je n’ai trouvé qu’un cuir dur que je n’ai jamais pu me résoudre à avaler. Il en est de même du coquillage qui habite les manches de couteau : il me semblait mâcher un ver de terre et j’avoue que de pareils mets n’ont rien qui me tente malgré ma prédilection pour tout ce qui vit dans les flots.

Une remarque que j’ai à chaque instant l’occasion de répéter c’est que dans une foule de poissons ou de coquillages on retrouve dessinées ces mêmes ondulations que la marée imprime à ses flots et laisse sur le sable. Partout sur le dos des moules, sur les ailes du grondin, sur l’écaillé de la sèche, partout des ondulations. Il semble que ce soit comme le cachet ou l’empreinte native de l’élément toujours mobile où ces animaux ont reçu la vie.

Aujourd’hui le jeune Landais a ramassé sur le rivage deux jeunes muriers27 qui paraissaient s’être noyés en voulant traverser le bassin. Élodie, à son dîner, a mangé ces deux infortunés naufragés dont la chair était fort tendre et fort délicate. M. Legallais et moi avons passé la soirée à jouer tour à tour au billard avec ces dames et puis aux échecs. Il en a un jeu magnifique magnifiquement travaillé qu’il a rapporté de l’Inde et dont Élodie, a mon grand regret, a déjà écorné quelques pièces.

 

12 Août 1825

Ce matin, après déjeuner, Pauline, la petite et moi avons gravi la montagne de sable qui se trouve derrière la maison de M. Legallais. Nous sommes allés visiter les cabanes et les atteliers des résiniers. Le calme de ces grands bois où l’on n’entend que le cri de la cigalle et le murmure sourd de l’air qui bruit sans cesse dans la cime des pins, le parfum que chaque branche exhale, sol arrêté par les débris qui tombent des arbres, par les racines du chêne, de l’arbousier et de mille petites plantes alpestres, tout ce canton appelle nos remarques et nous fournit de continuels sujets d’entretien. Bientôt la venue des résiniers ajoute encore à l’intérêt de cette promenade. Je leur fais beaucoup de questions sur la vie qu’ils mènent et sur leurs occupations. À cette époque de l’année ils travaillent uniquement à couper l’écorce des pins pour en faire couler la résine. Tel d’entre eux en coupe trois mille dans une semaine ; tel autre cinq ou six cents par jour. J’observe très attentivement l’espèce de hache ou d’herminette dont ils se servent pour cette opération ainsi que l’échelle très portative sur laquelle ils se guident à chaque instant comme des écureuils. J’essaie même de monter sur cette échelle d’après l’exemple et les leçons qu’ils me donnent mais on y réussit assez mal avec des souliers. Eux se servent admirablement de leur pied nud dont ils font une espèce de point d’appui tandis que la jambe enveloppe l’échelle pour l’empêcher de glisser le long de l’arbre. Galard28 a parfaitement rendu cette attitude dans son estampe du petit résinier. Un de ces ouvriers aiguise devant nous sa hache et nous montre ensuite l’intérieur de la cabane où il habite. Pauline lui donne des morceaux de sucre qu’elle avait apportés dans son sac pour les petits enfants de cet homme. En redescendant la colline nous ne pouvons nous lasser d’admirer ces mouvements de terrains particuliers aux dunes et qui imitent si parfaitement dans leurs ondulations les vagues d’une mer orageuse. Au bas de la colline nous trouvons les fours et les grandes caisses dont ils se servent l’hiver pour préparer la résine avant de la porter au marché. Car ces gens sont des espèces de fermiers qui, une fois le prix du fermage acquitté, disposent à leur gré de la récolte de ces forêts dont l’entretien et l’aménagement demeure à la charge du propriétaire. Le résinier paye la ferme en nature mais ici la résine vaut de l’argent car elle se vend sur le champ dans le pais même et jamais on n’y fait ni on ne demande de crédit. M. Legallais me disait qu’il y a telle propriété plantée en pignada qui donne jusqu’à 7, 8 ou 9 pour cent.

Ce Bassin d’Arcachon est une véritable providence pour le païs. Ce matin Mme Boërau, se promenant seule sur la plage, y a trouvé une sole magnifique morte depuis quelques minutes tout au plus et que la marée avait laissée en se retirant. Elle est venue nous l’apporter en triomphe et, après nous l’avoir fait admirer, elle l’a envoyée joindre ses humides soeurs à la cuisine.

Pendant que j’écris ceci ces dames causent en travaillant sur la galerie abritée par une voile qui les défend du soleil et de la brise. La marée monte et bientôt nous allons nous rendre au bain accoutumé.

Vers deux heures, Pauline et moi nous sommes baignés ensemble par un jour superbe. Le flot légèrement enflé par la brise nous frappait à chaque instant et c’est ainsi que les bains sont salutaires. Le soir, je m’amuse à lire quelques romans dans l’un desquels je remarque cette pensée empruntée à Mme de Staël : « Comment pourrions-nous supporter les tristes avant coureurs dont la nature fait précéder la mort s’ils ne nous apprenaient à renoncer chaque jour, et fleur par fleur, à la guirlande de la vie ? ». Fontenelle appelait cela, envoyer devant soi ses petits équipages.

 

13 Août 1825

J’ai passé la matinée au lit et j’en suis fâché puisque pendant ce tems là, M. Legallais et le jeune Landais sont allés pêcher des huîtres sur l’île de sable qui se trouve au milieu du bassin vis à vis l’établissement. Je ne me console de ce contretems que par l’espoir d’aller ce soir voir faire la pêche au gril avec ces dames.

Pendant que nous étions au bain, vers trois heures et demie, arrivent MM. Paris, Didier Senègre et Teixandier, tous trois bien fatigués de la route comme nous l’étions, M. Hypolyte et moi, avec la nouvelle de plusieurs faillites considérables qui affligent dans ce moment la place de Bor­deaux, entr’autres celle de MM. Peireire frères29. Ces messieurs nous apportent les journaux et, pour moi, une lettre du Préfet à laquelle je réponds sur le champ comme il suit :

« Monsieur le Préfet. S’il n’a pas été pris par l’autorité supérieure de décision relative aux difficultés qui se sont élevées entre l’administration et moi touchant l’alluvion formée depuis environ 20 ans sur mon domaine en aval du pont de Bordeaux, c’est que, dans le fait, il n’y avait point de décision à prendre, cette alluvion étant d’avance reconnue ma propriété par toutes les lois qui nous régissent.

Vous daignez m’apprendre aujourd’hui qu’il devient urgent, pour ne pas suspendre les travaux des abords du pont de Bordeaux30, d’opérer une plantation de piquets sur une partie de cette alluvion et quoiqu’il ne m’ait pas été légalement démontré jusqu’à présent que cette portion de ma propriété soit comprise parmi celles que réclame l’utilité publique, je ne prétends cependant, Monsieur le Préfet, m’opposer en aucune façon aux vues de M. le Directeur des travaux du pont de Bordeaux, pourvu toutefois qu’on s’empresse de remplir à mon égard, le préalable essentiel qui se trouve exprimé dans l’article 10 de la Charte, article que je vous demande la permission de vous rappeler ici :

« L’état peut exiger le sacrifice d’une propriété pour cause d’utilité publique légalement constatée mais avec une indemnité préalable. »

C’est cette indemnité préalable que je réclame dans ce moment et que j’aimerais bien mieux obtenir de votre justice que de celle des tribunaux. Si l’on ne peut tout de suite en déterminer le montant il est au moins très possible de nommer sur le champ des arbitres et de procéder à un commencement d’évaluation.

Quelque formelle que fut la déclaration que vous voulez bien m’offrir, elle aurait toujours l’inconvénient de mettre en question un droit de propriété que je ne saurais regarder comme douteux malgré tout l’esprit de conciliation qui m’anime.

Faites d’ailleurs attention, M. le Préfet, que cette déclaration ne me garantirait point de nouvelles chicanes, j’aurais à redouter surtout des lenteurs pour le payement tandis que l’envoi de deux arbitres chargés de procéder à l’expertise avant que la face des lieux soit changée ne saurait me laisser aucune inquiétude sur la loyauté de l’administration ni sur la certitude de l’indemnité qui m’est due.

Telle est, Monsieur le Préfet, la juste demande que je vous adresse en réponse à votre lettre du 8 courant, laquelle ne m’est parvenue qu’aujourd’hui seulement. Daignez y voir une preuve nouvelle du sincère désir qui est en moi de ne point retarder des travaux auxquels vous prenez intérêt et croyez, je vous prie, aux sentimens respectueux avec lesquels j’ai l’honneur d’être… etc. »

du Bassin d’Arcachon, le 13 août 1825

J’expédie cette lettre au sortir de table tandis que ces dames vont se promener sur la colline avec les nouveaux arrivans qui ont amené la voiture où nous devons monter après demain pour retourner à Bordeaux. Le soir, partie d’échecs et d’écarté. Vers neuf heures nous considérons depuis la croisée du sallon les feux allumés sur des grils et dont on se sert tout le long de la plage pour prendre le poisson à moitié endormi en le perçant d’une espèce de trident qu’on nomme fouène. Avec les mets abondans que la providence offre ici à tout le monde il est impossible au plus indigent d’y mourir de faim. Sur la côte opposée, il y a des montagnes d’huîtres où chacun a le droit d’aller prendre et manger31. Aussi le païs est-il fort aisé. M. Legallais m’assurait qu’avec 3 mille francs il payerait les dettes de toute la contrée. A-t-on besoin de bois ? On s’adresse à un sindic, à La Teste, qui vousautorise à aller en couper la quantité nécessaire32 dans la propriété de celui de vos voisins qui doit vousen fournir à son tour. Personne ne peut se refuser ici à cette espèce de servitude et d’obligation mutuelle. Les pauvres sont admis de préférence à l’exercice de ce droit pourvu qu’il soit bien prouvé qu’ils ne sont pas étrangers et qu’ils appartiennent à la commune de La Teste33.

 

14 Août 1825.

Ce matin, MM. Paris, Texandier et moi sommes partis, après déjeuner, pour aller à la pêche des huîtres. Nous avions le vent debout. M. Legallais tenait le gouvernail et la iole, armée de 4 rames, bondissait sur la mer comme un jeune chevreuil sur les flancs de la colline. Déjà mouillés par le jaillissement des vagues, bientôt nous le sommes davantage encore par la pluie qui nous assaillit. Je m’enveloppe de la voile qui était là, toute ployée à l’entour du mât, et parviens ainsi à me mettre un peu à couvert. Mes compagnons de voyage, pour oublier le mauvais tems, font causer la femme d’un pêcheur qui ramait avec son mari et rient beaucoup des propos grivois de cette lurone. Arrivés sur le banc de sable, nous cheminons à travers les eaux de la marée montante dont il commençait à se couvrir mais la quantité de coquillages brisés qui sont semés de toutes parts nous oblige à garder nos chaussures. Nous traversons les marais où se trouvent les huîtres, ayant de l’eau presque jusqu’aux reins. Une fille qui nous suivait portait un grand panier que nous remplissons bientôt des plus belles huîtres et de crabes de toutes couleurs. Je ramasse aussi des oursins, des étoiles de mer et force manches de couteaux que je me propose de distribuer à ces dames. Pour rejoindre la barque nous sommes obligés de cheminer très longtems à travers les flots car ce banc se prolonge et s’élargit fort avant dans le bassin. Une fois remontés sur notre légère embarcation, nous regagnons bien vite le point de départ secondés par le vent et la marée. Après quelques momens don nés au repos et au soin de changer d’habits, nous allons nous baigner tout près des huttes où l’on place le linge car, aujourd’hui, la marée monte au moins jusque là. Cette marée est accompagnée d’une forte brise qui soulève les vagues beaucoup plus haut que de coutume, en sorte que nous sommes bercés par les lames. Mais souvent aussi elles nous couvrent la tête et cette eau salée qui nous bat les narines et pénètre la bouche fait une fort vilaine sauce. Nous prenons donc cette fois un bain beaucoup moins long que nous n’en avions d’abord eu le projet. De retour au rivage, ces messieurs s’amusent à fouiller dans le sable et à y chercher les singuliers habitans qui s’y cachent en foule. Nous admirons longtems leurs formes tellement douteuses qu’on ne peut dire s’ils appartiennent en effet au règne végétal ou au règne animal. Je fais remarquer à mes compagnons de voyage ces myriades de petits insectes qui sautillent de toutes parts sous nos pieds et qu’on nomme ici puces de mer34 .Les grains de sable que nous foulons ne sont pas, je crois, plus innombrables. Pendant la nouvelle toilette que nous sommes obligés de faire pour le dîner, nous éprouvons tous les trois de violentes cuissons aux jambes, accompagnées d’une forte rougeur. Il nous semble au moindre attouchement qu’on approche des charbons ardens de cette partie et qu’on vient de nous appliquer le plus caustique de tous les sinapismes. En vain nous empressons-nous de nous baigner les jambes dans de l’eau douce et tiède. Cette espèce d’échauffement continue à se faire sentir toute la soirée et même la nuit suivante. M. Legallais nous dit que cet effet provient des herbes marécageuses dans lesquelles nous avons longtems marché pour y pêcher les huîtres mais lui, plus aguerri que nous, n’en est pas le moins du monde incommodé.

Pendant le dîner où nous apportâmes, malgré nos douleurs, l’appétit le plus décidé, M. Teixandier nous parle d’Antonin de Sigoyer qu’il a beaucoup connu. Nous rappel­lons à l’envi plusieurs de ses mots si remarquables par l’ex­trême naïveté de son amour-propre. C’est lui qui avait donné à ce même M. Teixandier le nom de Roseau de Cythère. Ce soir, occupés de nos préparatifs de départ, nous nous retirons de meilleure heure dans nos cellules ; car ce n’est pas une petite affaire que de serrer et d’emporter toutes les curiosités et tous les coquillages que nous avons recueillis.

 

15 août 1825.

Aujourd’hui, jour des adieux, du payement et du départ, nous sommes levés d’assez bon matin. Soins que je me donne pour conserver vivans mes pauvres chevaux marins. Provision d’eau de mer que j’emporte à cet effet, ce qui n’empêche pas que trop resserrés sans doute dans le flaccon de câpres il ne meurent tous avant une heure. Après le préalable essentiel d’un bon déjeuner nous quittons avec quelque regret l’établissement de ce bon M. Legallais qui nous accompagne lui-même à cheval jusqu’à La Teste. Là il nous fait visiter l’immense maison où habite toute sa famille et quand ces dames se sont un peu reposées nous allons tous ensemble à la messe : costumes et physionomies du pais que je ne me lasse point d’observer. Mlle Thé­rèse, soeur de M. Legallais, a fait cadeau à Élodie d’une jolie coiffure en tulle à l’usage des Testerines, laquelle coiffure lui sied parfaitement. Au sortir de la messe nous pre­nons congé de la famille Legallais et de MM. Paris et Teixan­dier qui doivent rester encore jusqu’à jeudi. Puis nous nous mettons définitivement en route pour Bordeaux dans une grande voiture qui portait en tout six personnes : les deux dames Senègre, M. Didier, le mari de l’une d’elles, Mme Boërau, Pauline, Élodie et moi. J’ai beaucoup marché durant ce voyage à travers les landes qui m’a parut beaucoup moins long et surtout beaucoup moins fatiguant que la première fois bien que notre cocher (Dominique Gros-yeux) se soit égaré, en dépit de son nom, pendant près d’une heure. Heureusement qu’un naturel du pais, monté sur des échasses, nous a été envoyé par la providence pour nous remettre dans la bonne voie. Grâce à cet homme qui est devenu notre pilote à travers ces landes désertes et ces éternelles forêts de pins, nous avons regagné la petite rivière d’Ayre. Vers 8 heures et 1/2 du soir nous étions à la petite auberge de la croix d’ains. Poissonniers de La Teste que nous y trouvons et auxquels nous ne manquons pas de chanter les louanges du bon M. Legallais et de son établissement. Mot remarquable de notre cocher, espèce de plaisant battu à froid et qui ne se croit pas à beaucoup près si comique que nous le trouvons «…des lits ! ah ! quels lits ! Figurez vous que si la duchesse d’Angoulème m’avait vu dans le mien elle m’aurait dit : Gros-yeux ôte toi de là que je m’y mette ».

Après le souper nous nous décidons à coucher à la crois d’ains et surtout à y bien dormir. Le ciel favorise si bien ce beau projet que nous ne nous mettons en route pour Bordeaux que vers 5 heures du matin. Légère pluie qui raffraîchit l’air. Nous arrivons devant chez M. Boërau à neuf heures précises, très peu fatigués et tous fort satisfaits de notre joyeux pèlerinage au bassin d’Arcachon.

Souvenir de cette pauvre femme de pêcheur qui nous avait menés si joyeusement à la pêche aux huîtres. Lors­qu’il fallut regagner dans la soirée l’autre bord du bassin où se trouvait sa chaumière et ses cinq petits enfans dont le plus jeune avait 13 mois, ce nouveau voyage lui devint tout à fait impossible, le vent étant absolument contraire. Force lui fut donc de rester chez M. Legallais malgré toute son inquiétude et celle de son mari. Le lendemain 15 août, jour de notre départ, le même vent soufflait encore et cette pauvre mère pleurait beaucoup. Questions que je lui adresse sur les ressources que ses voisins peuvent offrir à ses pauvres petits. Mme Boërau et moi nous cotisons pour lui laisser quelque argent avant de monter en voiture.

J’ai conçu le plan de l’élégie suivante. J’en ai même ébauché beaucoup de vers en me promenant sur les bords du bassin d’Arcachon, ou la nuit, en écoutant le bruit confus des pins et de la marée montante. Le seul mérite que peuvent offrir ces vers, c’est qu’ils sont peut-être empreints des couleurs locales. Tous les détails de cette élégie sont en effet exacts et pour ainsi dire géographiques.

 

Le Pèlerin d’Arcachon

 

Élégie.

Quand j’ai rempli le voeu d’un saint pèlerinage

Et mêlé ma prière à l’encens le plus pur,

Que me sert de traîner le long de ce rivage

Tous les chagrins d’un sort obscur ?

Que me sert, loin d’un monde ou frivole ou perfide

De venir, chaque jour, fouler le sable humide

Dont s’entoure ce lac d’azur ?

En suis-je moins en proie à la mélancolie

Qu’un rêve de bonheur laisse encore après lui ?

En regretté-je moins l’ingrate qui m’oublie

Et cet amour dont la folie

M’étonne moi-même aujourd’hui ?

 

Hélas ! Ces bords frappés du seul bruit de la rame,

Cette mer qui se tait, ce tranquille horizon,

Loin de me rendre enfin la paix que je réclame,

Dans leur immensité n’apportent à mon âme

Que des pensers de deuil, d’exil et d’abandon,

Ici pour ma seule tristesse

Il n’est point de soulagement :

Ici le poids fatal de mon isolement

Avec plus d’amertume accable ma faiblesse.

 

Industrieux pêcheurs, peuple heureux, qui jamais

N’avez connu les maux que ma plainte révèle,

Du penchant de la dune aux arides sommets,

Si vous daignez me tendre une main fraternelle,

O mes amis ! Je le promets,

A travers une onde rebelle

Avec vous j’irai désormais

Conduire au Cap Feret la tranchante nacelle.

Battu des aquillons qui tourmentent ces mers,

Exposé tour à tour au soleil, aux orages,

J’étendrai vos filets, vos voiles sur ces plages

Où viennent, en grondant, mourir les flots amers.

La nuit, sous vos toits de fougère,

Auprès d’une flamme légère

Qu’alimente un bois résineux,

Peut-être sur mon bras laissant tomber ma tête,

Je pourrai retrouver, au bruit de la tempête,

Ce rapide sommeil, seul bien des malheureux :

Peut-être ainsi que vous, bornant mon espérance

Au réseau qui surprend les crédules poissons,

Dans vos récits, dans vos chansons,

J’oublierai ma longue souffrance.

Pour moi finiront des tourmens

Que votre innocence défie ;

Et du courroux des élémens

Une voile au loin poursuivie,

Un naufragé sans vêtemens,

Une barque aux écueils ravie,

Seront les seuls événemens

Qui rempliront toute ma vie.

 

Ah ! Si jamais le ciel couronne cet espoir,

Si sa bonté me rend une paix désirée,

Avec quelle ferveur mes hymnes, chaque soir,

Diront le merveilleux pouvoir

De la Mère divine en ces lieux implorée !

O toi qui vois mes pleurs et peux les essuyer,

Providence de ce rivage,

Dont la croix, chère au marinier,

Se montre ainsi qu’un doux présage

A travers le sombre feuillage

Du mélèze et de l’arbousier,

Chaste Reine des mers ! Vierge innocente et pure !

Oui, j’en prends à témoin l’hermite de ces lieux.

Libre enfin des maux que j’endure,

Je reverrai bientôt cet asyle pieux

Où, pour le jeune époux qui reçut ses adieux,

La jeune épouse te conjure.

Malgré l’ardent lion qui, du sommet des cieux,

De son regard de flamme embrase la nature,

Mes pas sauront franchir ces bois mystérieux,

De ton humble chapelle imposante parure,

Et dont les pins harmonieux

Remplissent l’air d’un long murmure.

A genoux, le front découvert,

Dans l’attitude d’un coupable,

Je veux, me traînant sur le sable,

Gravir cet escalier désert

Qui mène au seuil toujours ouvert

De ton sanctuaire adorable.

Là, rougissant encor de mes folles douleurs,

Je placerai ma force en ta seule assistance :

Tu me verras, dans ma reconnaissance,

Décorer ta voûte de fleurs ;

Et, sauvé du naufrage, y suspendre une rame,

Emblème de mes longs travaux

Sur le vaste océan des maux

Où l’amour égara mon âme.

 

NOTES

 

1. Croix d’Hins, étape des Bougés se rendant ou revenant de Bordeaux.

2. De leur pied : expression signifiant à pied.

3. L’Eyre, rivière qu’ils traversent au niveau de Lamothe.

4. Le Teich.

5. Gujan.

6. Claude Emmanuel Luillier, dit Chapelle (1626-1686), poète connu pour la relation d’un voyage fait en Provence avec son ami Bachaumont.

7. La dune Pontac.

8. Tahiti.

9. Ces œufs se trouvaient encore dans l’église au lendemain de la dernière guerre.

10. La dune Pontac, qui fait partie de la Petite Montagne d’Arcachon.

11. Les “piteys”.

12. Sardines, à Arcachon.

13. Couteaux ou solens (du grec solèn, étui).

14. Maison de campagne ?

15. Nettoyer, établir, embellir, installer un objet quelconque et en particulier un navire. En 1848 encore, le Dictionnaire de la Marine à Voile de Bonnefoux et Paris donne comme récente cette interprétation dont le sens premier est : appliquer un enduit de soufre et de brai sur la carène d’un bateau.

16. L’accompagnement.

17. Sur le bord de la mer.

18. Il s’agit réellement d’un bateau renversé qui sert d’abri provisoire aux pêcheurs, le temps que la mer se calme. Il ne s’agit pas d’un lieu de résidence, leur maison se trouvant à La Teste ou à Gujan.

19. On utilisera cent ans plus tard (1920-1930) de la rogue qui est un amas d’œufs de morue.

20. Regarder au loin depuis la terre la mer qui se déchaîne (Horace)

Le sifflement de l’auster (vent du sud) qui se lève (Virgile, extrait des Bucoliques)

Toutes regardaient en pleurant la mer profonde (Virgile, extrait de l’Enéide)

Les arbres frémissent (Virgile)

J’aimerais vivre avec toi, je partirais volontiers avec toi,

Pluie qui es utile.

21. Il s’agit du Mouëng (Mougne), actuel quartier St-Ferdinand.

22. Senne : pêche connue dans le Bassin sous le nom de trahine (traîne, trayne).

23. Établissement Duprat-Biraben. Les nouveaux Bains d’Arcachon du “pein­tre improvisateur” Noël Tendel seront créés en 1836, s’intercalant entre Duprat-Biraben et Legallais.

24. Tère ou raie pastenague.

25. Seiche.

26. Aplysie.

27. Petit oiseau (lo moureou en gascon) : sorte de fauvette.

28. Galard (Gustave, comte de), peintre et dessinateur né au château de Lille en 1779, mort à Bordeaux en 1841. En 1838, il envoya au Salon de Paris Vue des Landes de Bordeaux. Il fit quelques mois de prison pour avoir fait des caricatures qui déplaisaient à Louis-Philippe (Bénézit).

29. Sur la crise de 1825 à Bordeaux, voir Histoire de Bordeaux sous la direction de Charles Higounet, tome VI (Bordeaux au XIXème siècle), p. 53.

30. Le pont de Bordeaux, dit Pont de Pierre, a été entrepris en 1811 et fut livré à la circulation le 1er mai 1822.

31. Il y a pourtant eu déjà de nombreuses restrictions.

32. Allusion au droit d’usage qui grève la forêt usagère.

33. L’auteur oublie la commune de Gujan.

34. Puces de sable ou talitres.

 

Extrait des Bulletins n° 76 (2e trimestre 1993) et n° 77 (3e trimestre 1993) de la Société historique et archéologique d’Arcachon et du Pays de Buch.

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